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mercredi, 06 mai 2009

L'Allemagne, la France et la fin de l'ère Locarno

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1988

 

L'Allemagne, la France et la fin de l'ère Locarno

Franz KNIPPING, Deutschland, Frankreich und das Ende der Locarno-Ära, 1928-1931. Studien zur in­ternationalen Politik in der Anfangsphase der Weltwirtschaftskrise,  Oldenbourg, München, 1987, 262 S., DM

 

Parler aujourd'hui de l'entente franco-allemande postule néces­sai­rement de revenir à cette époque de l'immédiat après-Locarno, aux espoirs de réconciliation qui se pointaient alors et à la dé­gra­dation progressive du dialogue entre les deux ennemis héré­ditaires de l'Europe de l'Ouest. Le zénith de l'entente franco-alle­mande fut marqué par la proposition de Briand de créer une Union européenne. Le 12 juin 1929, Briand propose à Stre­se­mann de «liquider la guerre», d'amorcer la construction d'une «fé­dération européenne» qui aurait pour tâche, sur le plan poli­ti­que, de stabiliser notre continent et, sur le plan économique, de le protéger contre l'emprise américaine. Cette suggestion de Briand comprenait deux tendances: celle de démanteler la colla­bo­ration économique germano-américaine qui jouait au détri­ment de la France et celle, pure et idéaliste, de sauver la «civi­li­sation européenne» du bolchévisme «ennemi de la culture» et de l'impérialisme économique américain. Ce plan souleva des en­thou­siasmes mais aussi le scepticisme du gouvernement alle­mand: celui-ci notait que l'idée d'une vaste coopération écono­mi­que européenne avait de solides racines en Allemagne mais qu'à l'heure présente, l'Allemagne, tarabustée à Versailles par l'in­transigeance française, devait conserver les acquis de ses re­lations spéciales avec les USA car la France, dans son ensem­ble, ne reflétait pas toutes les bonnes intentions de Briand. En fait, le pôle allemand, renforcé par sa coopération avec les Etats-Unis, était sur le point de dépasser en poid le pôle français et l'offensive de Briand, toute honnête qu'elle soit dans le chef de son initiateur, pouvait s'avérer une opération de charme fran­çaise consistant à cimenter un statu quo favorable à Paris. Stre­semann, quant à lui, répondit, quelques semaines avant sa mort, que la coopération européenne ne devait nullement se diriger con­tre les autres continent ni développer une orientation autar­cique, tout en admettant que les multiples frontières de notre con­tinent devaient cesser de transformer l'espace européen en une juxtaposition de petites économies boutiquières.

Son successeur, Julius Curtius, commença par orienter sa politi­que vers une colloboration germano-britannique, puis vers une of­fensive diplomatique en direction de l'Europe centrale et des Balkans, ce qui entraînait inévitablement un ralentissement du dialogue franco-allemand et un ré-amorçage des exigences alle­mandes de révision du Traité de Versailles (Rhénanie, Sarre). Ce ré-amorçage conduit la France à proposer en 1930 l'insti­tu­tio­na­lisation des idées paneuropéennes de Briand. Celle-ci pren­drait d'abord la forme d'une «commission spéciale» de la SDN. Pen­dant que les Français s'efforcent de mettre cette commission au point, l'Allemagne, frappée durement par la crise, oriente sa po­litique économique vers le Sud-Est européen, si bien que deux mou­vements européens finissent par se juxtaposer en Europe: le pan­européen de Briand et le «mitteleuropäisch» des Allemands, qui comprennent ce dernier comme une étape nécessaire vers la Pan­europe de Briand. Dans l'esprit des protagonistes, les deux mouvements vont se mêler étroitement et l'on assistera à moults confusions et quiproquos. Les nations de la «Petite En­ten­te», la Pologne, la Tchécoslovaquie, la Roumanie et la You­go­slavie, alliées de la France, finissent par comprendre que l'Al­lemagne seule peut absorber les surplus de leur production agricole et les payer en produits manufacturés. Qui plus est, les liaisons géographiques sont plus aisées entre ces pays et le Reich. La France, forte de son or, ne peut opposer que sa puis­san­ce financière à cette fatalité géographique. Les investisse­ments français ne servent finalement qu'à favoriser l'importa­tion dans les Balkans de produits français, sans que le marché français ne puisse absorber en suffisance les surplus agricoles bal­kaniques. Knipping reprend à l'historien français Georges Sou­tou l'expression «impérialisme du pauvre» pour désigner la malheureuse stratégie financière française dans la région. La puis­sance matérielle française, financière et militaire, a suc­com­bé devant les impératifs incontournables de la géographie. Il semble que l'intégration centre-européenne et balkanique soit un mouvement naturel qu'il est vain de vouloir enrayer.

L'enseignement à tirer de cet ouvrage d'histoire, c'est que Fran­çais et Allemands ne parlent pas de la même chose, lorsqu'ils par­­lent d'Europe. Les dimensions danubiennes et balkaniques sem­­blent échapper à l'opinion française, tandis qu'en Allema­gne, on leur accorde une priorité. Pour l'Allemand, la résolution des contradictions danubiennes et balkaniques est la première éta­pe dans le processus d'intégration de l'Europe Totale. Se re­plon­ger dans les discussions qui ont animé les chancelleries en­tre 1928 et 1931, sous l'impulsion de Briand, est œuvre utile pour surmonter ce gros hiatus. Le travail de Knipping peut nous y aider (Robert Steuckers).   

mercredi, 15 avril 2009

L'influence d'Oswald Spengler sur Julius Evola

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1995

 

L'influence d'Oswald Spengler sur Julius Evola

par Robert Steuckers

 

«Je traduisis de l'allemand, à la demande de l'éditeur Longanesi (...) le volumineux et célèbre ouvrage d'Oswald Spengler, Le déclin de l'Occident. Cela me donna l'occasion de préciser, dans une introduction, le sens et les limites de cette œuvre qui, en son temps, avait connu une renommée mondiale».  C'est par ces mots que commence la série de paragraphes critiques à l'égard de Spengler, qu'Evola a écrit dans Le Chemin du Cinabre  (op. cit.,  p. 177). Evola rend hommage au philosophe allemand parce qu'il a repoussé les «lubies progressistes et historicistes», en montrant que le stade atteint par notre civilisation au lendemain de la première guerre mondiale n'était pas un sommet, mais, au contraire, était de nature «crépusculaire». D'où Evola reconnaît que Spengler, surtout grâce au succès de son livre, a permis de dépasser la conception linéaire et évolutive de l'histoire. Spengler décrit l'opposition entre Kultur  et Zivilisation, «le premier terme désignant, pour lui, les formes ou phases d'une civilisation de caractère qualitatif, organique, différencié et vivant, le second les formes d'une civilisation de caractère rationaliste, urbain, mécaniciste, informe, sans âme»   (ibid., op. cit., p.178). 

Evola admire la description négative que donne Spengler de la Zivilisation,  mais critique l'absence d'une définition cohérente de la Kultur,  parce que, dit-il, le philosophe allemand demeure prisonnier de certains schèmes intellectuels propres à la modernité. «Le sens de la dimension métaphysique ou de la transcendance, qui représente l'essentiel dans toute vraie Kultur, lui a fait défaut totalement»  (ibid., p. 179). Evola reproche également à Spengler son pluralisme; pour l'auteur du Déclin de l'Occident,  les civilisations sont nombreuses, distinctes et discontinues les unes par rapport aux autres, constituant chacune une unité fermée. Pour Evola, cette conception ne vaut que pour les aspects extérieurs et épisodiques des différentes civilisations. Au contraire, poursuit-il, il faut reconnaître, au-delà de la pluralité des formes de civilisation, des civilisations (ou phases de civilisation) de type "moderne", opposées à des civilisations (ou phases de civilisation) de type "traditionnel". Il n'y a pluralité qu'en surface; au fond, il y a l'opposition fondamentale entre modernité et Tradition.

Ensuite, Evola reproche à Spengler d'être influencé par le vitalisme post-romantique allemand et par les écoles "irrationalistes", qui trouveront en Klages leur exposant le plus radical et le plus complet. La valorisation du vécu ne sert à rien, explique Evola, si ce vécu n'est pas éclairé par une compréhension authentique du monde des origines. Donc le plongeon dans l'existentialité, dans la Vie, exigé par Klages, Bäumler ou Krieck, peut se révéler dangereux et enclencher un processus régressif (on constatera que la critique évolienne se démarque des interprétations allemandes, exactement selon les mêmes critères que nous avons mis en exergue en parlant de la réception de l'œuvre de Bachofen). Ce vitalisme conduit Spengler, pense Evola, à énoncer «des choses à faire blêmir» sur le bouddhisme, le taoïsme et le stoïcisme, sur la civilisation gréco-romaine (qui, pour Spengler, ne serait qu'une civilisation de la "corporéité"). Enfin, Evola n'admet pas la valorisation spenglérienne de l'«homme faustien», figure née au moment des grandes découvertes, de la Renaissance et de l'humanisme; par cette détermination temporelle, l'homme faustien est porté vers l'horizontalité plutôt que vers la verticalité. Sur le césarisme, phénomène politique de l'ère des masses, Evola partage le même jugement négatif que Spengler.

Les pages consacrées à Spengler dans Le chemin du Cinabre  sont donc très critiques; Evola conclut même que l'influence de Spengler sur sa pensée a été nulle. Tel n'est pas l'avis d'un analyste des œuvres de Spengler et d'Evola, Attilio Cucchi (in «Evola, la Tradizione e Spengler», Orion,  n°89, Février 1992). Pour Cucchi, Spengler a influencé Evola, notamment dans sa critique de la notion d'«Occident»; en affirmant que la civilisation occidentale n'est pas la civilisation, la seule civilisation qui soit, Spengler la relativise, comme Guénon la condamne. Evola, lecteur attentif de Spengler et de Guénon, va combiner éléments de critique spenglériens et éléments de critique guénoniens. Spengler affirme que la culture occidentale faustienne, qui a commencé au Xième siècle, décline, bascule dans la Zivilisation,  ce qui contribue à figer, assécher et tuer son énergie intérieure. L'Amérique connaît déjà ce stade final de Zivilisation  technicienne et dé-ruralisée. C'est sur cette critique spenglérienne de la Zivilisation  qu'Evola développera plus tard sa critique du bolchévisme et de l'américanisme: si la Zivilisation  est crépusculaire chez Spengler, l'Amérique est l'extrême-Occident pour Guénon, c'est-à-dire l'irreligion poussée jusqu'à ses conséquences ultimes. Chez Evola, indubitablement, les arguments spenglériens et guénoniens se combinent, même si, en bout de course, c'est l'option guénonienne qui prend le dessus, surtout en 1957, quand paraît l'édition du Déclin de l'Occident  chez Longanesi, avec une préface d'Evola. En revanche, la critique spenglérienne du césarisme politique se retrouve, parfois mot pour mot, dans Le fascisme vu de droite  et Les Hommes au milieu des ruines. 

Le préfacier de l'édition allemande de ce dernier livre (Menschen inmitten von Ruinen,  Hohenrain, Tübingen, 1991), le Dr. H.T. Hansen, confirme les vues de Cucchi: plusieurs idées de Spengler se retrouvent en filigrane dans Les Hommes au milieu des ruines;  notamment, l'idée que l'Etat est la forme intérieure, l'«être-en-forme» de la nation; l'idée que le déclin se mesure au fait que l'homme faustien est devenu l'esclave de sa création; la machine le pousse sur une voie, où il ne connaîtra plus jamais le repos et d'où il ne pourra jamais plus rebrousser chemin. Fébrilité et fuite en avant sont des caractéristiques du monde moderne ("faustien" pour Spengler) que condamnent avec la même vigueur Guénon et Evola. Dans Les Années décisives (1933), Spengler critique le césarisme (en clair: le national-socialisme hitlérien), comme issu du titanisme démocratique. Evola préfacera la traduction italienne de cet ouvrage, après une lecture très attentive. Enfin, le «style prussien», exalté par Spengler, correspond, dit le Dr. H.T. Hansen, à l'idée évolienne de l'«ordre aristocratique de la vie, hiérarchisé selon les prestations». Quant à la prééminence nécessaire de la grande politique sur l'économie, l'idée se retrouve chez les deux auteurs. L'influence de Spengler sur Evola n'a pas été nulle, contrairement à ce que ce dernier affirme dans Le chemin du Cinabre. 

 

 

lundi, 06 avril 2009

Spengler: An Introduction to his Life and Ideas

Spengler: An Introduction to His Life and Ideas

Keith Stimely

Oswald Spengler was born in Blankenburg (Harz) in central Germany in 1880, the eldest of four children, and the only boy. His mother's side of the family was quite artistically bent. His father, who had originally been a mining technician and came from a long line of mineworkers, was an official in the German postal bureaucracy, and he provided his family with a simple but comfortable middle class home. [Image: Oswald Spengler.]

The young Oswald never enjoyed the best of health, and suffered from migraine headaches that were to plague him all his life. He also had an anxiety complex, though he was not without grandiose thoughts -- which because of his frail constitution had to be acted out in daydreams only.

When he was ten the family moved to the university city of Halle. Here Spengler received a classical Gymnasium education, studying Greek, Latin, mathematics and natural sciences. Here too he developed his strong affinity for the arts -- especially poetry, drama, and music. He tried his hand at some youthful artistic creations of his own, a few of which have survived -- they are indicative of a tremendous enthusiasm but not much else. At this time also he came under the influence of Goethe and Nietzsche, two figures whose importance to Spengler the youth and the man cannot be overestimated.

After his father's death in 1901, Spengler at 21 entered the University of Munich. In accordance with German student-custom of the time, after a year he proceeded to other universities, first Berlin and then Halle. His main courses of study were in the classical cultures, mathematics, and the physical sciences. His university education was financed in large part by a legacy from a deceased aunt.

His doctoral dissertation at Halle was on Heraclitus, the "dark philosopher" of ancient Greece whose most memorable line was "War is the Father of all things." He failed to pass his first examination because of "insufficient references" -- a characteristic of all his later writings that some critics took a great delight in pointing out. However, he passed a second examination in 1904, and then set to writing the secondary dissertation necessary to qualify as a high school teacher. This became The Development of the Organ of Sight in the Higher Realms of the Animal Kingdom. It was approved, and Spengler received his teaching certificate.

His first post was at a school in Saarbrücken. Then he moved to Düsseldorf and, finally, Hamburg. He taught mathematics, physical sciences, history, and German literature, and by all accounts was a good and conscientious instructor. But his heart was not really in it, and when in 1911 the opportunity presented itself for him to "go his own way" (his mother had died and left him an inheritance that guaranteed him a measure of financial independence), he took it, and left the teaching profession for good.

Historical Explanation of Current Trends

He settled in Munich, there to live the life of an independent scholar/philosopher. He began the writing of a book of observations on contemporary politics whose idea had preoccupied him for some time. Originally to be titled Conservative and Liberal, it was planned as an exposition and explanation of the current trends in Europe -- an accelerating arms race, Entente "encirclement" of Germany, a succession of international crises, increasing polarity of the nations -- and where they were leading. However in late 1911 he was suddenly struck by the notion that the events of the day could only be interpreted in "global" and "total-cultural" terms. He saw Europe as marching off to suicide, a first step toward the final demise of European culture in the world and in history.

The Great War of 1914-1918 only confirmed in his mind the validity of a thesis already developed. His planned work kept increasing in scope far, far beyond the original bounds.

Spengler had tied up most of his money in foreign investments, but the war had largely invalidated them, and he was forced to live out the war years in conditions of genuine poverty. Nevertheless he kept at his work, often writing by candle-light, and in 1917 was ready to publish. He encountered great difficulty in finding a publisher, partly because of the nature of the work, partly because of the chaotic conditions prevailing at the time. However in the summer of 1918, coincident with the German collapse, finally appeared the first volume of The Decline of the West, subtitled "Form and Actuality."

Publishing Success

To no little surprise on the part of both Spengler and his publisher, the book was an immediate and unprecedented success. It offered a rational explanation for the great European disaster, explaining it as part of an inevitable world-historic process. German readers especially took it to heart, but the work soon proved popular throughout Europe and was quickly translated into other languages. Nineteen-nineteen was "Spengler's year," and his name was on many tongues.

Professional historians, however, took great umbrage at this pretentious work by an amateur (Spengler was not a trained historian), and their criticisms -- particularly of numerous errors of fact and the unique and unapologetic "non-scientific" approach of the author -- filled many pages. It is easier now than it was then to dispose of this line of rejection-criticism. Anyway, with regard to the validity of his postulate of rapid Western decline, the contemporary Spenglerian need only say to these critics: Look about you. What do you see?

In 1922 Spengler issued a revised edition of the first volume containing minor corrections and revisions, and the year after saw the appearance of the second volume, subtitled Perspectives of World History. He thereafter remained satisfied with the work, and all his later writings and pronouncements are only enlargements upon the theme he laid out in Decline.

A Direct Approach

The basic idea and essential components of The Decline of the West are not difficult to understand or delineate. (In fact, it is the work's very simplicity that was too much for his professional critics.) First, though, a proper understanding requires a recognition of Spengler's special approach to history. He himself called it the "physiogmatic" approach -- looking things directly in the face or heart, intuitively, rather than strictly scientifically. Too often the real meaning of things is obscured by a mask of scientific-mechanistic "facts." Hence the blindness of the professional "scientist-type" historians, who in a grand lack of imagination see only the visible.

Utilizing his physiogmatic approach, Spengler was confident of his ability to decipher the riddle of History -- even, as he states in Decline's very first sentence, to predetermine history.

The following are his basic postulates:

1. The "linear" view of history must be rejected, in favor of the cyclical. Heretofore history, especially Western history, had been viewed as a "linear" progression from lower to higher, like rungs on a ladder -- an unlimited evolution upward. Western history is thus viewed as developing progressively: Greek >Roman >Medieval >Renaissance >Modern, or, Ancient > Medieval >Modern. This concept, Spengler insisted, is only a product of Western man's ego -- as if everything in the past pointed to him, existed so that he might exist as a yet-more perfected form.

This "incredibly jejune and meaningless scheme" can at last be replaced by one now discernible from the vantage-point of years and a greater and more fundamental knowledge of the past: the notion of History as moving in definite, observable, and -- except in minor ways -- unrelated cycles.

'High Cultures'

2. The cyclical movements of history are not those of mere nations, states, races, or events, but of High Cultures. Recorded history gives us eight such "high cultures": the Indian, the Babylonian, the Egyptian, the Chinese, the Mexican (Mayan-Aztec), the Arabian (or "Magian"), the Classical (Greece and Rome), and the European-Western.

AthenaEach High Culture has as a distinguishing feature a "prime symbol." The Egyptian symbol, for example, was the "Way" or "Path," which can be seen in the ancient Egyptians' preoccupation -- in religion, art, and architecture (the pyramids) -- with the sequential passages of the soul. The prime symbol of the Classical culture was the "point-present" concern, that is, the fascination with the nearby, the small, the "space" of immediate and logical visibility: note here Euclidean geometry, the two-dimensional style of Classical painting and relief-sculpture (you will never see a vanishing point in the background, that is, where there is a background at all), and especially: the lack of facial expression of Grecian busts and statues, signifying nothing behind or beyond the outward. [Image: Atlas Bringing Heracles the Golden Apples in the presence of Athena, a metope illustrating Heracles' Eleventh Labor, with Athena helping Heracles hold up the sky. From the Temple of Zeus in Olympia, c. 460 BC.]

The prime symbol of Western culture is the "Faustian Soul" (from the tale of Doctor Faustus), symbolizing the upward reaching for nothing less than the "Infinite." This is basically a tragic symbol, for it reaches for what even the reacher knows is unreachable. It is exemplified, for instance, by Gothic architecture (especially the interiors of Gothic cathedrals, with their vertical lines and seeming "ceilinglessness"). [Image: Amiens choir.]

The "prime symbol" effects everything in the Culture, manifesting itself in art, science, technics and politics. Each Culture's symbol-soul expresses itself especially in its art, and each Culture has an art form that is most representative of its own symbol. In the Classical, they were sculpture and drama. In Western culture, after architecture in the Gothic era, the great representative form was music -- actually the pluperfect expression of the Faustian soul, transcending as it does the limits of sight for the "limitless" world of sound.

'Organic' Development

3. High Cultures are "living" things -- organic in nature -- and must pass through the stages of birth-development-fulfillment-decay-death. Hence a "morphology" of history. All previous cultures have passed through these distinct stages, and Western culture can be no exception. In fact, its present stage in the organic development-process can be pinpointed.

The high-water mark of a High Culture is its phase of fulfillment -- called the "culture" phase. The beginning of decline and decay in a Culture is the transition point between its "culture" phase and the "civilization" phase that inevitably follows.

The "civilization" phase witnesses drastic social upheavals, mass movements of peoples, continual wars and constant crises. All this takes place along with the growth of the great "megalopolis" -- huge urban and suburban centers that sap the surrounding countrysides of their vitality, intellect, strength, and soul. The inhabitants of these urban conglomerations -- now the bulk of the populace -- are a rootless, soulless, godless, and materialistic mass, who love nothing more than their panem et circenses. From these come the subhuman "fellaheen" -- fitting participants in the dying-out of a culture.

With the civilization phase comes the rule of Money and its twin tools, Democracy and the Press. Money rules over the chaos, and only Money profits by it. But the true bearers of the culture -- the men whose souls are still one with the culture-soul -- are disgusted and repelled by the Money-power and its fellaheen, and act to break it, as they are compelled to do so -- and as the mass culture-soul compels finally the end of the dictatorship of money. Thus the civilization phase concludes with the Age of Caesarism, in which great power come into the hands of great men, helped in this by the chaos of late Money-rule. The advent of the Caesars marks the return of Authority and Duty, of Honor and "Blood," and the end of democracy.

With this arrives the "imperialistic" stage of civilization, in which the Caesars with their bands of followers battle each other for control of the earth. The great masses are uncomprehending and uncaring; the megalopoli slowly depopulate, and the masses gradually "return to the land," to busy themselves there with the same soil-tasks as their ancestors centuries before. The turmoil of events goes on above their heads. Now, amidst all the chaos of the times, there comes a "second religiosity"; a longing return to the old symbols of the faith of the culture. Fortified thus, the masses in a kind of resigned contentment bury their souls and their efforts into the soil from which they and their culture sprang, and against this background the dying of the Culture and the civilization it created is played out.

Predictable Life Cycles

Every Culture's life-span can be seen to last about a thousand years: The Classical existed from 900 BC to 100 AD; the Arabian (Hebraic-semitic Christian-Islamic) from 100 BC to 900 AD; the Western from 1000 AD to 2000 AD. However, this span is the ideal, in the sense that a man's ideal life-span is 70 years, though he may never reach that age, or may live well beyond it. The death of a Culture may in fact be played out over hundreds of years, or it may occur instantaneously because of outer forces -- as in the sudden end of the Mexican Culture.

Also, though every culture has its unique Soul and is in essence a special and separate entity, the development of the life cycle is paralleled in all of them: For each phase of the cycle in a given Culture, and for all great events affecting its course, there is a counterpart in the history of every other culture. Thus, Napoleon, who ushered in the civilization phase of the Western, finds his counterpart in Alexander of Macedon, who did the same for the Classical. Hence the "contemporaneousness" of all high cultures.

In barest outline these are the essential components of Spengler's theory of historical Culture-cycles. In a few sentences it might be summed up:

Human history is the cyclical record of the rise and fall of unrelated High Cultures. These Cultures are in reality super life-forms, that is, they are organic in nature, and like all organisms must pass through the phases of birth-life-death. Though separate entities in themselves, all High Cultures experience parallel development, and events and phases in any one find their corresponding events and phases in the others. It is possible from the vantage point of the twentieth century to glean from the past the meaning of cyclic history, and thus to predict the decline and fall of the West.
Needless to say, such a theory -- though somewhat heralded in the work of Giambattista Vico and the 19th-century Russian Nikolai Danilevsky, as well as in Nietzsche -- was destined to shake the foundations of the intellectual and semi-intellectual world. It did so in short order, partly owing to its felicitous timing, and partly to the brilliance (though not unflawed) with which Spengler presented it.

Polemic Style

There are easier books to read than Decline -- there are also harder -- but a big reason for its unprecedented (for such a work) popular success was the same reason for its by-and-large dismissal by the learned critics: its style. Scorning the type of "learnedness" that demanded only cautionary and judicious statements -- every one backed by a footnote -- Spengler gave freewheeling vent to his opinions and judgments. Many passages are in the style of a polemic, from which no disagreement can be brooked.

To be sure, the two volumes of Decline, no matter the opinionated style and unconventional methodology, are essentially a comprehensive justification of the ideas presented, drawn from the histories of the different High Cultures. He used the comparative method which, of course, is appropriate if indeed all the phases of a High Culture are contemporaneous with those of any other. No one man could possibly have an equally comprehensive knowledge of all the Cultures surveyed, hence Spengler's treatment is uneven, and he spends relatively little time on the Mexican, Indian, Egyptian, Babylonian, and Chinese -- concentrating on the Arabian, Classical, and Western, especially these last two. The most valuable portion of the work, as even his critics acknowledge, is his comparative delineation of the parallel developments of the Classical and Western cultures.

Spengler's vast knowledge of the arts allowed him to place learned emphasis on their importance to the symbolism and inner meaning of a Culture, and the passages on art forms are generally regarded as being among the more thought-provoking. Also eyebrow-raising is a chapter (the very first, in fact, after the Introduction) on "The Meaning of Numbers," in which he asserted that even mathematics -- supposedly the one certain "universal" field of knowledge -- has a different meaning in different cultures: numbers are relative to the people who use them.

"Truth" is likewise relative, and Spengler conceded that what was true for him might not be true for another -- even another wholly of the same culture and era. Thus Spengler's greatest breakthrough may perhaps be his postulation of the non-universality of things, the "differentness" or distinctiveness of different people and cultures (despite their fated common end -- an idea that is beginning to take hold in the modern West, which started this century supremely confident of the wisdom and possibility of making the world over in its image.

Age of Caesars

But is was his placing of the current West into his historical scheme that aroused the most interest and the most controversy. Spengler, as the title of his work suggests, saw the West as doomed to the same eventual extinction that all the other High Cultures had faced. The West, he said, was now in the middle of its "civilization" phase, which had begun, roughly, with Napoleon. The coming of the Caesars (of which Napoleon was only a foreshadowing) was perhaps only decades away. Yet Spengler did not counsel any kind of sighing resignation to fate, or blithe acceptance of coming defeat and death. In a later essay, "Pessimism?" (1922), he wrote that the men of the West must still be men, and do all they could to realize the immense possibilities still open to them. Above all, they must embrace the one absolute imperative: The destruction of Money and democracy, especially in the field of politics, that grand and all-encompassing field of endeavor.

'Prussian' Socialism

After the publication of the first volume of Decline, Spengler's thoughts turned increasingly to contemporary politics in Germany. After experiencing the Bavarian revolution and its short-lived Soviet republic, he wrote a slender volume titled Prussianism and Socialism. Its theme was that a tragic misunderstanding of the concepts was at work: Conservatives and socialists, instead of being at loggerheads, should united under the banner of a true socialism. This was not the Marxist-materialist abomination, he said, but essentially the same thing as Prussianism: a socialism of the German community, based on its unique work ethic, discipline, and organic rank instead of "money." This "Prussian" socialism he sharply contrasted both to the capitalistic ethic of England and the "socialism" of Marx (!), whose theories amounted to "capitalism for the proletariat."

In his corporate state proposals Spengler anticipated the Fascists, although he never was one, and his "socialism" was essentially that of the National Socialists (but without the folkish racialism). His early appraisal of a corporation for which the State would have directional control but not ownership of or direct responsibility for the various private segments of the economy sounded much like Werner Sombart's later favorable review of National Socialist economics in his A New Social Philosophy [Princeton Univ. Press, 1937; translation of Deutscher Sozialismus (1934)].

Prussianism and Socialism did not meet with a favorable reaction from the critics or the public -- eager though the public had been, at first, to learn his views. The book's message was considered to "visionary" and eccentric -- it cut across too many party lines. The years 1920-23 saw Spengler retreat into a preoccupation with the revision of the first volume of Decline, and the completion of the second. He did occasionally give lectures, and wrote some essays, only a few of which have survived.

Political Involvement

In 1924, following the social-economic upheaval of the terrible inflation, Spengler entered the political fray in an effort to bring Reichswehr general Hans von Seekt to power as the country's leader. But the effort came to naught. Spengler proved totally ineffective in practical politics. It was the old story of the would-be "philosopher-king," who was more philosopher than king (or king-maker).

After 1925, at the start of Weimar Germany's all-too-brief period of relative stability, Spengler devoted most of his time to his research and writing. He was particularly concerned that he had left an important gap in his great work -- that of the pre-history of man. In Decline he had written that prehistoric man was basically without a history, but he revised that opinion. His work on the subject was only fragmentary, but 30 years after his death a compilation was published under the title Early Period of World History.

His main task as he saw it, however, was a grand and all-encompassing work on his metaphysics -- of which Decline had only given hints. He never did finish this, though Fundamental Questions, in the main a collection of aphorisms on the subject, was published in 1965.

In 1931 he published Man and Technics, a book that reflected his fascination with the development and usage, past and future, of the technical. The development of advanced technology is unique to the West, and he predicted where it would lead. Man and Technics is a racialist book, though not in a narrow "Germanic" sense. Rather it warns the European or white races of the pressing danger from the outer Colored races. It predicts a time when the Colored peoples of the earth will use the very technology of the West to destroy the West.

Reservations About Hitler

There is much in Spengler's thinking that permits one to characterize him as a kind of "proto-Nazi": his call for a return to Authority, his hatred of "decadent" democracy, his exaltation of the spirit of "Prussianism," his idea of war as essential to life. However, he never joined the National Socialist party, despite the repeated entreaties of such NS luminaries as Gregor Strasser and Ernst Hanfstängl. He regarded the National Socialists as immature, fascinated with marching bands and patriotic slogans, playing with the bauble of power but not realizing the philosophical significance and new imperatives of the age. Of Hitler he supposed to have said that what Germany needed was a hero, not a heroic tenor. Still, he did vote for Hitler against Hindenburg in the 1932 election. He met Hitler in person only once, in July 1933, but Spengler came away unimpressed from their lengthy discussion.

His views about the National Socialists and the direction Germany should properly be taking surfaced in late 1933, in his book The Hour of Decision [translation of Die Jahre der Entscheidung]. He began it by stating that no one could have looked forward to the National Socialist revolution with greater longing than he. In the course of the work, though, he expressed (sometimes in veiled form) his reservations about the new regime. Germanophile though he certainly was, nevertheless he viewed the National Socialists as too narrowly German in character, and not sufficiently European.

Although he continued the racialist tone of Man and Technics, Spengler belittled what he regarded as the exclusiveness of the National Socialist concept of race. In the face of the outer danger, what should be emphasized is the unity of the various European races, not their fragmentation. Beyond a matter-of-fact recognition of the "colored peril" and the superiority of white civilization, Spengler repeated his own "non-materialist" concept of race (which he had already expressed in Decline): Certain men -- of whatever ancestry -- have "race" (a kind of will-to-power), and these are the makers of history.

Predicting a second world war, Spengler warned in Hour of Decision that the National Socialists were not sufficiently watchful of the powerful hostile forces outside the country that would mobilize to destroy them, and Germany. His most direct criticism was phrased in this way: "And the National Socialists believe that they can afford to ignore the world or oppose it, and build their castles-in-the-air without creating a possibly silent, but very palpable reaction from abroad." Finally, but after it had already achieved a wide circulation, the authorities prohibited the book's further distribution.

Oswald Spengler, shortly after predicting that in a decade there would no longer be a German Reich, died of a heart attack on May 8, 1936, in his Munich apartment. He went to his death convinced that he had been right, and that events were unfolding in fulfillment of what he had written in The Decline of the West. He was certain that he lived in the twilight period of his Culture -- which, despite his foreboding and gloomy pronouncements, he loved and cared for deeply to the very end.


Journal of Historical Review, 17/2 (March/April 1998), 2-7. The illustrations, with the exception of the Spengler photo, do not appear in the original article.

vendredi, 03 avril 2009

Arthur Moeller van den Bruck

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1995

 

Il y a 70 ans mourrait Arthur Moeller van den Bruck

 

«C'est une question que vous adressez au destin de l'Allemagne, lorsque vous me demandez qui fut Arthur Moeller van den Bruck», déclarait sa veuve Lucy en 1932, dans le seul et unique interview qu'elle a accordé pour évoquer la mémoire de son mari. En effet, la vie de Moeller van den Bruck, le protagoniste le plus significatif de la Révolution Conservatrice de l'entre-deux-guerres, reflète parfaitement l'esprit du temps. Mais si son époque l'a marqué, il l'a marquée tout autant. Le Juni-Klub qu'il avait fondé avec Heinrich von Gleichen en 1919 quand il devinait l'effondrement du Reich, la révolution spartakiste et les affres du Diktat de Versailles, devait devenir la cellule de base d'un mouvement “jeune-conservateur”. Un an plus tard, le Juni-Klub déménage et se fixe au numéro 22 de la Motzstraße à Berlin, pour déployer de nouvelles activités. Outre les soirées de débat, le Juni-Klub s'empressa de mettre sur pied un “collège politique” pour parfaire la formation politique des “nationaux”. En 1923, le Juni-Klub acquiert le droit de dé­cerner des diplômes reconnus par l'Etat et entame une activité journalistique intense. Finalement jusqu'à 50 journaux importants ou revues au tirage plus restreint ont été chercher leurs éditoriaux ou leurs bonnes feuilles dans les locaux de la Motzstraße. Dans tout le territoire du Reich, ces structures de for­mation et de publication se multiplient et se donnent un nom, Der Ring (= L'Anneau), qui symbolise le mou­vement national naissant, quadrillant le pays.

 

Le périodique le plus significatif des Jeunes-Conservateurs fut Gewissen,  une revue rachetée en 1920, dont la forme fut entièrement remodelée par Moeller. La revue a tout de suite suscité un grand intérêt et a eu les effets escomptés, comme l'atteste une lettre de Thomas Mann à Heinrich von Gleichen (1920): «Je viens de renouveler mon abonnement à Gewissen,  une revue que je décris comme la meilleure publication allemande, une publication sans pareille, à tous ceux avec qui je m'entretiens de politique». Moeller était véritablement le centre de toutes ces activités. En écrivant des brochures et d'innombrables articles, il façonnait le mouvement, lui donnait son idéologie, ses lignes directrices. Mais sa forte personnalité jouait un rôle tout aussi intense, rassemblait les esprits. Pourtant, jamais il n'écrivit de grande œuvre politique, mis à part des ouvrages de référence indispensables, comme Das Recht der jungen Völker  [= Le Droit des peuples jeunes] (1919), puis l'ouvrage collectif écrit de concert, notamment avec Heinrich von Gleichen et Max Hildebert Boehm, et destiné à devenir la base d'un programme “jeune-conservateur”, Die Neue Front  [= Le Front Nouveau] (1922) et, bien sûr, le plus connu d'entre tous ses livres, Das Dritte Reich (1923). Bien entendu, ce titre fait penser, par homonymie, au “Troisième Reich” des nationaux-so­cialistes, ce qui a nuit à la réputation de l'auteur et du contenu de l'ouvrage. Pourtant, Moeller émettait de sérieuses réserves à l'endroit de Hitler et de la NSDAP. Malgré son opposition, Hitler put parler un jour à la tribune du Juni-Klub en 1922, mais Moeller en tira une conclusion laconique, négative: «Ce gaillard-là ne comprendra jamais!». Après le putsch de Munich, Moeller commenta sévèrement l'événement dans Gewissen:  «Hitler a échoué à cause de sa primitivité prolétarienne».

 

Le mouvement jeune-conservateur

 

L'influence prépondérante de Moeller van den Bruck peut parfaitement se jauger: en 1924, quand une grave maladie le frappe et le contraint à abandonner tout travail politique, les structures mises en place se défont. Le 27 mai 1995, après plusieurs mois de souffrances, Moeller met volontairement un terme à ses jours. Ce sera Max Hildebert Boehm qui prononcera le discours traditionnel au bord de sa tombe: «Le chef, le bon camarade, l'ami cher, auquel nous rendons aujourd'hui un dernier hommage, est entré comme un homme accompli, comme un homme “devenu”, dans notre cercle de “devenants” (... trat als ein Gewordener in unseren Kreis von Werdenden)».

 

Pour Moeller, comme pour tant d'autres, la Première Guerre mondiale et ses conséquences ont constitué un grand tournant de l'existence. En effet, quand Moeller s'est définitivement donné au travail politique, il était déjà un homme accompli, un “devenu”. Né le 23 avril 1876 à Solingen, il avait derrière lui un chemine­ment aussi extraordinaire que typique. Il appartenait à une génération qui n'avait plus pu s'insérer dans la société du tournant du siècle; adolescent, il avait interrompu sa formation scolaire et s'était installé d'abord à Leipzig, où il fit la connaissance du dramaturge et poète Franz Evers, qui l'accompagnera long­temps et marquera plusieurs stades cruciaux de son existence. Ses seuls intérêts, à l'époque, étaient lit­téraires et artistiques. Ce jeune homme très sérieux avait un jour suscité la remarque ironique d'un audi­teur: «Vous avez-vous? Le jeune Moeller a ri aujourd'hui!». En 1896, il part pour le centre de la vie intellec­tuelle du Reich: Berlin.

 

Le style prussien

 

C'est dans la capitale allemande qu'il épousera un amour de jeunesse, Hedda Maase, qui partageait ses passions. Plus tard, elle a rédigé un mémoire détaillé sur son époque berlinoise, où elle décrit son mari: «Il s'habillait de façon très choisie et cherchait à exprimer l'aristocrate intérieur qu'il était à tous les niveaux, dans ses attitudes, dans les formes de son maintien, dans son langage». Un héritage leur permettait de vivre sans travailler; ainsi, ils pouvaient passer beaucoup de temps dans les cafés littéraires et dans les restaurants, et discuter des nuits entières avec des hommes et des femmes partageant leur sensibilité: parmi eux, Richard Dehmel, Frank Wedekind, Detlev von Liliencorn, le peintre et dessinateur Fidus, Wilhelm Lentrodt, Ansorge ou Rudolf Steiner. Ces réunions donnait l'occasion de pratiquer de la haute voltige intellectuelle mais aussi, assez souvent, comme Moeller l'avoue lui-même, de rechercher “le royaume au fond du verre”. Avec sa femme, il traduit, dans ces années-là, des ouvrages de Baudelaire, de Barbey d'Aurevilly, de Thomas de Quincey, de Daniel Defoë et surtout d'Edgar Allan Poe. Entre 1899 et 1902, il achève un ouvrage en douze volumes: Die moderne Literatur in Gruppen- und Einzeldarstellungen.

 

En 1902, Moeller quitte précipitamment Berlin sans sa femme, qui épousera plus tard Herbert Eulenberg. En passant par la Suisse, il aboutit à Paris. Il y restera quatre ans, parfois en compagnie d'Evers. Il édite plusieurs ouvrages, Das Variété (1902), Das Théâtre Français (1905) et Die Zeitgenossen (= Les Contemporains) (1906), flanqués de huit volumes, écrits entre 1904 et 1910, Die Deutschen. Unsere Menschengeschichte  (= Les Allemands. Notre histoire humaine). A Paris, Moeller avait fait la connais­sance de deux sœurs originaires de Livonie (actuellement en Lettonie), Less et Lucy Kaerrick, et de Dimitri Merejkovski. Ces amitiés ont permis l'éclosion du plus grand travail de Moeller: la première édition allemande complète de l'œuvre de Dostoïevski. Plus tard, Moeller épouse Lucy Kaerrick. En 1906, il voyage en Italie avec Barlach et Däubler, ce qui lui permettra de publier en 1913 Die italienische Schönheit  [= La beauté italienne]. En 1907, il retourne en Allemagne et accomplit sur le tard son service militaire, pour exprimer son engagement en faveur de l'Allemagne qu'il n'avait jamais cessé de manifester à l'étranger. Ensuite, il voyage encore dans tous les pays d'Europe. Quand éclate la Première Guerre mondiale, il est affecté dans une unité territoriale (Landsturm).  C'est à cette époque qu'il aura plusieurs longues conversations avec un jeune juriste, Carl Schmitt. En 1916, Moellers change d'affectation: il se retrouve dans le “département étranger” de l'état-major de l'armée de terre. La même année paraît un de ses meilleurs livres: Der preußische Stil  [= Le style prussien], recueil d'articles et d'essais antérieurs mais dont la portée ne s'était nullement atténuée.

 

Guido FEHLING.

(article paru dans Junge Freiheit, n°21/1995).

dimanche, 29 mars 2009

Duits socialisme

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Boekbespreking: Jacques Van Doorn - Duits socialisme

Duits socialisme: het falen van de sociaal-democratie en de opkomst van het nationaal-socialisme

Ex: http://onsverbond.wordpress.com/

Prof. em. dr. Jacques van Doorn (1925-2008) was in de jaren 1960 een der grondleggers van de Nederlandse sociologie en van de Faculteit Sociale Wetenschappen van de Erasmus Universiteit in Rotterdam. Met het standaardwerk Moderne sociologie: een systematische inleiding uit 1959 - samen met C.J. Lammers geschreven - werd een hele generatie Nederlandse sociologen opgeleid. Hoewel het de jaren van de maakbaarheid van de samenleving waren, verloor de uit Maastricht afkomstige van Doorn geleidelijk zijn geloof in de maakbaarheidsidee en werd hij steeds meer aangetrokken door het conservatisme, dat de illusie van aardse verlossing verving door een scherp besef van de onvolkomenheid van al het menselijk streven. Die ontnuchtering had alles te maken met de utopische en populistische inslag van het studentenprotest en Nieuw Links in de jaren 1970. In 1987 ging van Doorn met vervroegd en niet geheel vrijwillig emeritaat. Dat jaar werd namelijk de door hem opgerichte opleiding Sociologie aan de Erasmus Universiteit opgeheven en de staf collectief ontslagen, omdat hij een geniepige poging van de toenmalige directeur-generaal voor het wetenschappelijk onderwijs om zichzelf een leerstoel in Rotterdam te bezorgen publiek scherp bekritiseerd had. De volgende 21 jaren ‘pensioen’ bleken zowel voor zijn intellectuele reputatie als ideologisch belangrijker dan zijn 40 academische jaren.
Politiek bewoog deze bekende hoogleraar zich van links tot rechts-conservatief. Hij schreef niet om zijn persoonlijke mening te uiten, maar analyseerde. Als columnist bij NRC-Handelsblad stapte hij in 1990 over naar de dagbladen Trouw en HP/De Tijd, nadat hij valselijk beschuldigd was van antisemitisme door NRC-Handelsblad, dat dit pas recent officieel toegaf. De laatste jaren werd hij vooral bekend vanwege zijn moedige en tegendraadse kritiek op het rechtse populisme en op fanatieke islamcritici als Ayaan Hirsi Ali, Marco Pastors, Ehsan Jami en Geert Wilders. Zijn intellectuele provocaties waren een welkom tegengeluid tegen het ongenuanceerde zwart-wit denken van de neocons en de Verlichtingsfundamentalisten. De altijd onafhankelijke geest van Doorn was daarmee een van de belangrijkste naoorlogse intellectuelen in Nederland, een land dat weinig echte vrijdenkers kent.

Het vlak voor zijn dood - op 14 mei 2008 - verschenen meesterwerk Duits socialisme: het falen van de sociaal-democratie en de triomf van het nationaal-socialisme beschrijft de opkomst en het verval van de sociaal-democratie in Duitsland in Fin-de-Siècle en interbellum, evenals de opkomst en machtsovername van het nationaal-socialisme. Het resultaat van een leven lang denken werd neergeschreven in dit indrukwekkende nieuwe boek. Met zijn enorme sociologische, historische en politiek-theoretische kennis onderbouwt professor van Doorn hierin de vlijmscherpe stelling dat het nationaal-socialisme een authentieke revolutie en zelfs een alternatieve vorm van socialisme was. Zonder enige twijfel vormt het de kroon op zijn veelzijdige oeuvre.

Het boek bestaat uit drie delen. Het eerste deel beschrijft de geschiedenis van de sociaal-democratische beweging; het tweede bespreekt de vele stromingen die in de jaren 1920 nationalisme en socialisme trachtten aaneen te smeden, terwijl het derde deel het nationaal-socialisme schetst als een vorm van socialisme.

De Duitse sociaal-democratische beweging was het vlaggenschip van het internationale socialisme. De centrale vraag in dit boek is hoe Hitler aan de macht kon komen ondanks de ongeëvenaarde organisatorische, electorale en intellectuele kracht van de SPD. Niet door een geslaagd politiek manoeuvre, zo blijkt, maar wel als resultaat van diepgaande maatschappelijke onderstromen, waarin zich twee versnellingsmomenten voordeden: augustus 1914 en november 1918, het begin en het einde van de Eerste Wereldoorlog.

De meeste historici ontkennen of relativeren het socialistisch gehalte van het nazisme. Zij doen de socialistische component in het nazisme af als een maskerade, waarmee ze de verwantschap tussen sociaal-democratie en nationaal-socialisme uit de weg kunnen gaan. Toen bijvoorbeeld de Utrechtse historicus Maarten van Rossem als student zijn scriptie wou schrijven over de tot op heden bestaande sociale maatregelen van de Duitse bezetter, werd hem dit met klem ontraden met het argument dat dit hem tot een paria in de historische wetenschap zou maken. De contemporaine historiografie schetst immers het Derde Rijk als een boosaardige misvatting in de Europese geschiedenis en als een exclusief Pruisisch-Duits verschijnsel. Jacques van Doorn toont echter de evidente verwantschap tussen sociaal-democratie en nationaal-socialisme aan. Traditioneel wijzen historici de conservatieven, de Reichswehr, de adel en de industriëlen aan als wegbereiders van Hitler. Nochtans was de NSDAP in de Weimarrepubliek zowat de enige Duitse politieke partij die níet gefinancierd werd door voornoemde groepen. De auteur wijst erop dat de arbeidersklasse nooit genoemd wordt als steunpilaar van het nazisme, maar integendeel steevast afgeschilderd wordt als een alleen door de sociaal-democratie vertegenwoordigde groep verschoppelingen, die vanzelfsprekend tot de ‘goeden’ gerekend wordt.

Dit vormt van Doorns uitgangspunt voor een verhelderende studie naar de wortels van het nazisme in de Duitse sociaal-democratie. De SPD had het in het Fin-de-Siècle immers moeilijk met zijn nationale identiteit en kampte steeds opnieuw met groepen revisionisten en dissidenten die - anders dan de marxistische partijtop - de staat, militarisme en patriottisme positief waardeerden. Naast socialistische verdedigden zij ook nationalistische belangen. Hiermee geeft van Doorn het nationaal-socialisme een verleden. De sociaal-democratische antecedenten van het nazisme werden echter tijdens de Tweede Wereldoorlog verdrongen door de orgie van vernietiging waarin het nationaal-socialisme culmineerde, hoewel Duitsland tot in de eerste oorlogsjaren zowel militair-politiek als ideologisch een voorsprong op de rest van Europa had.

De auteur toont aan dat het nationaal-socialisme noch programmatisch, noch in zijn praktische uitvoering een reactionaire kracht was, maar in tegendeel juist een uitermate revolutionaire. Op amper enkele jaren tijd werd de sociale structuur van het krachteloze Weimar-Duitsland gesloopt. De stelling dat het naziregime een logische voortzetting was van een autoritair, Pruisisch Duitsland blijkt volkomen onjuist. Hitlers weerzin tegen de staat, die hem met zijn inherente bureaucratie en legalisme in zijn bewegingsruimte belemmerde, vertaalde zich binnenlands in een ware sociale omwenteling. Het nationaal-socialisme wordt door professor van Doorn als een anti-kapitalistische stroming beschreven, waartegen de sociaal-democraten het moesten afleggen omdat ze het nationalisme niet wisten te integreren in hun programma. Het boek is een onconventionele kijk op de geschiedenis van de arbeidersbeweging.
Bijna nergens werd het Keynesianisme zo succesvol toegepast en genoten werknemers zo’n uitgebreide sociale zekerheid als in nazi-Duitsland. De liberale geallieerden waren zelfs zo beducht voor de bekoring van de nazi-welvaartsstaat bij de Europese bevolking dat ze zich gedurende de oorlog genoodzaakt zagen een op het Duitse voorbeeld geïnspireerde verzorgingsstaat te ontwerpen. Jacques van Doorn toont hiermee aan dat onze huidige sociale zekerheid ontstond uit het nationaal-socialisme.

Volgens de auteur faalde de Duitse sociaal-democratie dus vanwege haar grootste tekort: het onvermogen om nationalisme en socialisme te verzoenen. Dit gebrek belastte de Duitse sociaal-democratie vanaf haar ontstaan tot op heden: geen enkele Duitse partij huivert zo voor vlagvertoon en het uitdrukken van identitaire gevoelens als de SPD. Reeds in de jaren 1860 leidde dit tot een hevige tweestrijd tussen enerzijds de internationalisten Karl Marx en Friedrich Engels en anderzijds de ‘eerste nationaal-socialist’ Ferdinand Lassalle (1825-1864). Het Duitse socialisme ontstond trouwens bij de Pruisische staatssocialist Lassalle, die de eerste socialistische partij ter wereld oprichtte. Zijn vroege dood in 1864 zorgde er echter voor dat de strekking Marx-Engels de overhand kreeg. Toch schreef ook Lasalles opvolger Johann Baptist von Schweitzer (als voorzitter van de ADAV - een voorganger van de SPD) in het ADAV-tijdschrift Der Socialdemokrat nog regelmatig over nationalistische thema’s, zoals het goedkeuren van de annexatie van de Deense gebieden Sleeswijk en Holstein door Pruisen of het benoemen van Duitsers die niet participeerden aan de Frans-Duitse Oorlog als landverraders. Volgens hem bestond de Duitse macht “uit de Pruisische bajonet en de vuist van Duitse proletariërs”.
Binnen de sociaal-democratische partij - sinds 1890 heette die SPD - waren dergelijke bekentenissen echter omstreden. Nooit kon een verzoeningsformule gevonden worden voor dit permanente conflict tussen internationalisten en ‘nationalen’. De partij schipperde dan ook decennialang tussen de ene keer het ondersteunen en de andere keer het bestrijden van de regering inzake nationale belangen. Vanaf zijn ontstaan tot zijn ondergang in 1933 manifesteerde de SPD zich steeds weer als een tweeslachtige partij, die bovendien permanent werd veracht door ‘rechts’ en gewantrouwd door ‘links’.

Uit het onsamenhangende werk van Marx en Engels distilleerde hun politieke erfgenaam Karl Kautsky (1854-1938) een marxistische orthodoxie die weliswaar de SPD aaneensmeedde door een vast geloof, doch tegelijk de socialisten ook dwong zich tegenover Duitsland te blijven opstellen. In augustus 1914 waren ze echter door de tegenstelling tussen hun reformistische praktijk en hun revolutionaire programma niet tegen de nationalistische oorlogseuforie bestand, waardoor de SPD gedwongen werd in de Rijksdag voor de oorlogskredieten te stemmen. Veel partijleden bleken immers voorstander van oorlogsdeelname en wezen erop dat Duitsland het land was van organisatie en een paternalistische staat, terwijl ook de Duitse Kultur op een hoger niveau stond dan de liberale oppervlakkigheid van Engeland en Frankrijk. En hoewel het de historische taak van de SPD was in Duitsland het socialisme te verwezenlijken, een einde te stellen aan vergaande sociale mistoestanden en het ongebreidelde kapitalisme aan banden te leggen, mislukten de Duitse sociaal-democraten hierin tijdens de ongelukkige Novemberrevolutie van 1918, die dan ook door de Vrijkorpsen werd neergeslagen.

Hierdoor kregen ze tijdens de daaropvolgende Weimarrepubliek de schuld voor de verloren oorlog toegeschoven, terwijl de SPD tot overmaat van ramp door het marxisme van Kautsky niet voorbereid was om het land te besturen. Zo werden de door de sociaal-democraten decennialang beloofde economische hervormingen nauwelijks uitgevoerd. De SPD beperkte zich daarentegen tot het verdedigen van de in Duitsland onpopulaire liberale democratie. De partij faalde dus jammerlijk, wat van Doorn toeschrijft aan één tekort: de partij kon Duitsland niet vinden. Daarom zou de SPD ten onder gaan in de confrontatie met een partij die bewees dat het socialisme wél een unieke nationaal-bindende kracht kon zijn. Het nationaal-socialisme voltooide bijgevolg de geschiedenis van het Duitse socialisme door zich te identificeren met Duitsland. Om dat Duitse socialisme vervolgens te vernietigen door er de meest extreme consequenties aan te geven, die “zum Teufel führen”, zoals van Doorn schrijft.
Hoe groot de behoefte aan een synthese tussen socialisme en nationalisme was, bleek uit het enorme succes van de NSDAP in de loop van de jaren 1930, toen de omvang ervan veel groter bleek dan de SPD ooit gekend had. Maar anders dan de SPD stelde de NSDAP de Duitsers niet teleur: in 1951 noemde veertig procent der Duitsers de jaren 1930 de beste tijd die Duitsland ooit had gekend. Omdat het nazisme bijgevolg weinig weerwerk van de bevolking te vrezen had, telde de Gestapo in die jaren slechts 8.000 man (op ca. 80 miljoen inwoners). Ter vergelijking: het wérkelijk onpopulaire DDR-regime had 91.000 medewerkers - zonder de ca. 175.000 informanten! - nodig om een onwillige bevolking van 17 miljoen mensen in bedwang te houden. Het ontbreken van de dwang waarmee de regimes in de Sovjetunie en diens Midden-Europese satellietstaten zich moesten handhaven, wettigt volgens professor van Doorn zelfs “de vraag of het juist is nazi-Duitsland een totalitaire staat te noemen, en zelfs of het regime dat serieus beoogde te zijn”.

Zowel de marxistische klassenstrijd als de oude keizerlijke standenmaatschappij werden begraven en vervangen door een echte Volksgemeinschaft. Sociale en culturele ongelijkheid werd met kracht bestreden. Voortaan telden prestaties in plaats van geboorte of financiële status bij het toewijzen van posities in leger, partij, SS en maatschappij. De sociale mobiliteit nam aanzienlijk toe, terwijl tevens de samenleving opener werd, een ontwikkeling die na 1945 niet meer kon worden teruggedraaid. Het Derde Rijk, concludeert de auteur, was wel degelijk op weg naar een socialisme gezien de verregaande toename van sociale gelijkheid en emancipatie. De nazi’s slaagden erin een eind te maken aan de standenstaat en de diepe scheiding tussen burgerij en arbeiders, waartoe de SPD - ondanks zijn electorale successen - nooit in staat was geweest. Hierbij dient wel duidelijk gesteld te worden dat deze transformatie niet berustte op een wijziging van de economische structuur - zoals het marxistisch socialisme wou - maar wel op een sociaal-psychologisch veranderingsproces. Met andere woorden, de nazi’s socialiseerden niet de banken en fabrieken, maar “wir sozialisieren die Menschen”. Daarmee bewijst van Doorn dat het Duitse nationaal-socialisme wel degelijk als een socialisme moet worden beschouwd, daar het gaat om de gemeenschappelijke kern van alle vormen van socialisme: de kritiek op laissez-faire kapitalisme en traditionele sociale ongelijkheid.

Het algemeen aanvaarde beeld is dat de 20ste eeuw het strijdtoneel was tussen liberale democratie en de totalitarismen fascisme en communisme. Dit blijkt slechts geallieerde propaganda te zijn. In het interbellum kon de liberale democratie zich in Europa nauwelijks handhaven, vermits het geen antwoord had op de Grote Depressie en op de uitdaging van de nieuwe massacultuur. Het was juist de nationaal-socialistische verzorgingsstaat die een serieus alternatief organiseerde waar vasthouden aan het liberaal-kapitalisme tot massale werkloosheid en uitzichtloosheid leidde. De gruwelijke slotperiode van het Derde Rijk, met de barbarij van de Tweede Wereldoorlog, werd volgens van Doorn maar al te gemakkelijk gebruikt om dit onder de mat te vegen. Naast de New Deal, de Zweedse verzorgingsstaat en het plansocialisme was er daardoor nooit aandacht voor de succesvolle maatschappelijke ordening van Robert Ley, leider van het Deutsche Arbeitsfront. Als uitsmijter herinnert de auteur er ons tevens nog aan dat veel sociale wetgeving uit de nazitijd in Duitsland én in Nederland na de oorlog intact is gebleven.

Van Doorns boek laat een ontembare nieuwsgierigheid en een verfrissende onbevangenheid zien. Zijn uiteenzettingen zijn zeer helder, leesbaar en rijk aan weinig bekende, maar belangrijke feiten. Daarmee zal hij - zeker onder historici - geen vrienden maken. Maar dat zou de tijdens het schrijfproces reeds terminaal zieke en ondertussen overleden hoogleraar vermoedelijk niet veel kunnen schelen hebben.

Vbr. lic. hist. Filip Martens

mercredi, 25 février 2009

Zeev Sternhell, historiographe du fascisme

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SYNERGIES EUROPÉENNES - CRITICON (Munich) - IDHUNA (Genève) - Août 1986

Armin MOHLER:

Zeev Sternhell, nouvel historiographe du fascisme

Un livre, paru à Paris en 1983, a complètement bouleversé l'historiographie du fascisme. Ce livre porte le titre de: Ni droite ni gauche. L'idéologie du fascisme en France. Gros de 412 pages, il est publié par les éditions du Seuil, maison pourtant connue pour ses tendances de gauche.

L'auteur, Zeev Sternhell, professeur de politologie à l'Université Hébraïque de Jérusalem, est né en Pologne en 1935. Il est actuellement le Directeur du "Centre d'Etudes Européennes" et, peu avant la parution de Ni droite ni gauche, il avait fondé le Centre Interdisciplinaire de Recherche sur la Civilisation Française.

Son livre est très dense. Il abonde en outre de répétitions car, ce qui importe pour Sternhell, homme au tempérament fougueux, c'est d'inculquer au lecteur certains jugements  inhabituels. Mais il serait erroné de lui reprocher l'emploi de "concepts vagues". A l'opposé du spécialiste jusqu'ici accrédité de l'étude du fascisme, Ernst Nolte, Sternhell n'a pas reçu de formation philosophique. Il est un authentique historien qui se préoccupe de recenser le passé. Pour lui, chaque réalité historique est "irisable", on ne peut la ramener à un seul concept, il faut en considérer les diverses facettes. Dès lors, contrairement à Nolte, Sternhell ne construit pas un schéma abstrait du fascisme, dans lequel il conviendra d'enserrer ensuite les phénomènes concrets. Il renvoie de préférence ces phénomènes à toute une variété de concepts qu'il puise toutefois dans le vocabulaire politique traditionnel, afin de les cerner et de les localiser.

S'il entre dans notre propos de résumer ici un ouvrage aussi complexe, notre exposé ne pourra cependant pas remplacer la lecture de ce livre. Il en est plutôt l'introduction.

1. Qui est Zeev Sternhell?

1.1. Indubitablement, il est un authentique homme de gauche. Le journal Le Monde  (14.1.1983) déclare à son sujet: Sternhell entra en mai 1977, après la victoire électorale de Begin et la chute du Parti Travailliste, dans la vie politique israëlienne. Il créa le Club 77, un rassemblement d'intellectuels de l'aile d'extrême-gauche du Parti Travailliste. Ce Club s'engagea dans une politique de modération envers le monde arabe et milita pour l'évacuation de la Cisjordanie; en matière de politique interne, il chercha à favoriser une politique aussi "socialiste" que possible, c'est-à-dire accordant le maximum d'égalité. Au sein du Parti Travailliste, Sternhell fait partie d'une minorité, tout en étant membre du Comité Exécutif".

1.2. Sternhell est un "gramsciste". A l'instar de toute la gauche revendicatrice et contestatrice de sa génération, il s'est libéré de l'orthodoxie marxiste. Il rejette expressément la conception matérialiste de l'histoire (pp.18-19).

A la suite de Gramsci (et a fortiori de l'inspirateur de ce communiste italien, Georges Sorel), Sternhell se rallie à la conception historiographico-philosophique qui veut que les idées ne soient pas le reflet des réalités, mais l'inverse.

1.3. Le point de départ de la démarche de Sternhell: le révisionnisme. Le fait que Sternhell se soit consacré à l'étude du fascisme s'explique sans aucun doute par son intérêt pour la biographie des révisionnistes, ceux qui ont tenté de changer et de réformer le marxisme orthodoxe. De Ni droite ni gauche,  il ressort que le révisionnisme de "droite" (p.35) ou révisionnisme "libéral" (p.81), qui mène à des alliances et des compromissions avec le libéralisme bourgeois et qu'incarne un Eduard Bernstein (en France, Jaurès) fascine moins Sternhell que le révisionnisme de "gauche" (p.290), mouvement amorcé par Sorel et les syndicalistes révolutionnaires qui refusaient les "ramollissements" du socialisme et passèrent ultérieurement au fascisme. Sternhell s'intéresse en particulier à un nouveau courant socialiste d'alors qui, dépassant l'opposition Sorel/Bernstein, vit le jour au lendemain de la Grande Guerre: le révisionnisme "planiste" ou "technocratique" (p.36) du socialiste belge Henri De Man et du néo-socialiste français Marcel Déat. Ce révisionnisme-là aboutit directement au fascisme.

1.4. Sternhell contre le fascisme de salon. L'orientation "socialiste", qui sous-tend l'étude de Sternhell sur la problématique du fascisme, se traduit par le peu d'intérêt marqué pour les formes de fascismes philosophiques ou littéraires. Trait caractéristique: Sternhell ne mentionne nulle part les deux écrivains les plus importants appartenant au fascisme, Céline et Rebatet. Et Sternhell néglige encore d'autres aspects du fascisme de salon, du fascisme des penseurs "qui finissent leur vie en habit vert" (p.22). Vu les multiples facettes du fascisme français (et européen)(p.21), Sternhell s'adjuge le droit de poser une analyse pars pro toto: il prétend se consacrer en ordre principal à l'étude de secteurs négligés jusqu'ici (p.9).

2. La France, modèle du fascisme?

2.1. Pourquoi la France?  Le livre de Sternhell veut développer une définition du "fascisme" en se basant sur l'exemple français. Cette intention peut étonner. La France, en effet, si l'on excepte l'intermède de l'occupation allemande, n'a jamais connu un régime qualifiable de "fasciste". L'Italie, l'Allemagne voire l'Espagne seraient à cet égard de meilleurs exemples. Mais Sternhell, nous allons le voir, déploie de très sérieux arguments pour justifier son choix.

2.2. Les études antérieures de Sternhell. Ces arguments, pour nous, ne sauraient se déduire des travaux antérieurs de Sternhell, qui portaient tous sur la France. Dès le départ, il orienta son attention vers le fascisme, même s'il l'on peut supposer qu'un changement de perspective aurait pu se produire et lui faire choisir un autre territoire de recherches. Ce que Sternhell découvrit très tôt dans ces secteurs délaissés par la recherche qu'il se trouvait sur la bonne voie. Deux livres aussi copieux avait précédé Ni gauche ni droite. Le premier s'intitulait Maurice Barrès et le nationalisme français  (1972). Le second, La droite révolutionnaire 1885-1914. Les origines françaises du fascisme  (1978), traitait de la même époque historique, mais le grand thème de Sternhell, le fascisme, apparaissait pour la première fois dans le sous-titre. La recherche a imméditament considéré ces deux ouvrages comme des classiques. Les sujets de ces livres sont à la fois plus sectoriels et plus généraux que la thématique du troisième, que nous commentons ici. Dans Ni gauche ni droite, Sternhell cherche à forger un classification globale et détaillée du phénomène fasciste qu'il entend maîtriser conceptuellement.

2.3. La France a inventé le fascisme. Le premier argument de Sternhell, pour situer le champ de ses recherches en France, c'est que ce pays a vu naître le fascisme vingt ans avant les autres, notamment vers 1885 (p.41). Sternhell n'emploie qu'occasionnelle- ment le terme de "pré-fascisme" pour qualifier les événements entre 1885 et 1914 (p.21). Une figure comme celle de Maurice Barrès portait déjà en elle les germes de tout le fascisme ultérieur. Et quand j'ai énoncer la même hypothèse en 1958, je me suis heurté à une surprenante incompréhension de la part des experts français...

2.4. La France comme contre-modèle. Le second argument qu'avance Sternhell est plus complexe. Il contourne deux écueils. Parmi les grands pays de l'Europe continentale, la France est celui où la position dominante de l'idéologie et de la praxis politique du libéralisme a été la moins menacée, du moins jusqu'à la défaite militaire de 1940 (p.41). Sternhell souligne (p.42) le fait que la révolution libérale la plus importante et la plus exemplaire de l'histoire s'est déroulée dans ce pays et attire notre attention sur les phénomènes du "consensus républicain" (p.43) et du "consensus centriste" (p.52) qui sont les clés de voûte de l'histoire française contemporaine. C'est précisément à cause de ces inébranlables consensus que Sternhell opte pour la France comme champ d'investigation. Car le fascisme, en France, n'est jamais parvenu au pouvoir (p.293) et, écrit Sternhell, "le fascisme n'y a jamais dépassé le stade de la théorie et n'a jamais souffert des compromissions inévitables qui faussent toujours d'une façon ou d'une autre l'idéologie officielle d'un régime. Ainsi on pénètre sa signification profonde et, en saisissant l'idéologie fasciste à ses origines, dans son processus d'incubation, on aboutit à une perception plus fidèle des mentalités et des comportements. Et on comprend mieux, semble-t-il, la complexité des situations et l'ambiguïté des attitudes qui font le tissu des années trente". C'est là, de toute évidence, un principe heuristique, dérivé d'une option radicalement gramsciste qui pose le primat des idées et réfute celui des contraintes factuelles.

3. Les problèmes de "périodisation"

3.1. Impossibilité de poser des datations exactes. Comme doit le faire tout véritable historien, Sternhell fait varier légèrement les dates. Mis à part pour les événements ponctuels, il n'est pas aisé de fournir des dates précises, bien délimitées dans le temps, pour désigner l'émergeance ou l'assomption d'un courant d'idées politiques. C'est pourquoi Sternhell examine le phénomène "fasciste" dans l'espace d'un demi-siècle.

3.2. Continuité entre 1885 et 1940.  Fait essentiel pour Sternhell: cette période est "dans l'histoire de l'Europe, une période véritablement révolutionnai- re". Et il poursuit: "En moins d'un demi-siècle, les réalités sociales, le mode de vie, le niveau technologique et, à beaucoup d'égards, la vision que se font les hommes d'eux-mêmes changent plus profondément qu'à aucun autre moment de l'histoire moderne" (p.45). Dès lors, cette période forme une unité, si toutefois l'on met entre parenthèses les quatre années de la Grande Guerre (pp.19 et 290). Et Sternhell l'écrit expressément: "Au cours de ce demi-siècle, les problèmes de fond n'ont guère varié" (p.60).

3.3. Trois générations. Bien qu'il soit conscient de cette continuité, Sternhell procède cenpendant à des subdivisions dans le temps; ainsi, par exemple, quand il parle des "fascistes de 1913" comme des fascistes d'un type particulier. Il distingue trois générations de fascistes (cf. pp. 30, 52 et 60): d'abord les boulangistes et les anti-dreyfusards de la fin des années 80; ensuite, avant 1914, ceux de la "deuxième génération", celle du mouvement des "Jaunes" dans le monde ouvrier et de l'Action Française  de Maurras, qui atteint alors son apogée; en finale, il évoque, comme troisième génération, le "fascisme d'après-guerre".

3.4. Le poids d'une époque. Il est à remarquer que Sternhell accorde nettement plus de poids aux premières décennies de l'époque qu'il étudie. Pour lui, sur le plan qualitatif, les années qui précèdent la Grande Guerre revêtent davantage d'importance que les décennies qui les suivirent car, dans cette avant-guerre, tout ce qui est essentiel dans l'élaboration du fascisme doctrinal a été dit et mis en œuvre.

4. Prolégomènes du fascisme

4.1. Refus de prendre en considération les groupuscules excentriques. Sternhell s'intéresse aux "propagateurs d'idées". Il ne ressent aucune envie de perdre son temps à étudier ce fascisme folklorique de quelques illuminés qui jouent aux brigands, fascisme caricatural dont les médias font leurs choux gras. Il n'a que mépris pour ceux qui axent leurs recherches sur ce type de phénomènes marginaux (p.9): "A l'époque déjà, quand un groupe de la Solidarité française se fait photographier à l'entraînement au pistolet, toute la presse de gauche en parle pendant des semaines: un quelconque défilé de quelques dizaines de "chemises bleues" soulève alors beaucoup plus d'intérêt que le patient travail de sape d'un Thierry Maulnier ou d'un Bertrand de Jouvenel...".

4.2. Le fascisme, une idéologie comme les autres. Sternhell parle de la "banalité du fascisme" (p.296): "Dans les années trente, le fascisme constitue une idéologie politique comme les autres, une option politique légitime, un état d'esprit assez courant, bien au-delà des cercles restreints qui assument leur identité fasciste...". Selon Sternhell, le fascisme était "un phénomène possédant un degré propre d'autonomie, d'indépendance intellectuelle" (p.16). Il s'élève contre "le refus fondamental de voir dans le fascisme autre chose qu'un accident de l'histoire européenne" (p.18). Pour Sternhell donc, c'est une erreur de ne considérer le fascisme que comme "une simple aberration, un accident, sinon un accès de folie collective..." (p.18). A la fin de son ouvrage (p.296), Sternhell nous met en garde contre ceux qui propagent l'opinion que les fascistes n'étaient que des "marginaux". Nombreux sont les "fascistes" qui ont été jugés, par leurs contemporains, comme les "plus brillants représentants de leur génération" (Luchaire, Bergery, Marion, de Jouvenel).

4.3. Les courroies de transmission. "L'idéologie fasciste constitue, en France, un phénomène de loin plus diffus que le cadre restreint et finalement peu important des adhérents aux groupuscules qui s'affublent de ce titre" (p.310). Deux pages plus loin, Sternhell explique comment il s'est fait que "l'idée fasciste" ait pu se propager dans un milieu si prêt à recevoir son message: "Les fascistes purs furent toujours peu nombreux et leurs forces dispersées. Leur influence véritable s'exercera par une contribution continue à la cristallisation d'un certain climat intellectuel; par le jeu des courroies de transmissions secondaires: des hommes, des mouvements, des revues, des cercles d'études,..." (p.312).

4.4. Difficulté de situer sociologiquement le fascisme. Sternhell insiste sur le fait que le fascisme "prolifère aussi bien dans les grands centres industriels de l'Europe occidentale que dans les pays sous-développés d'Europe de l'Est" (p.17). Et il aime se moquer de ceux qui croient pouvoir ranger le fascisme dans des catégories sociales bien déterminées. Il est significatif que Sternhell attire notre attention sur une constante de l'histoire des fascismes: "le glissement à droite d'éléments socialement avancés mais fondamentalement opposés à la démocratie libérale" (p.29). Si cette remarque se vérifie, elle s'opposera à toutes les tentatives de rattacher l'idéologie fasciste à des groupes sociaux trop bien définis.

4.5. Pour expliquer le fascisme: ni crises économiques ni guerres. Ce qui m'a frappé aussi chez Sternhell, c'est l'insistance qu'il met à montrer la relative indépendance du fascisme vis-à-vis de la conjoncture (pp.18 et 290). Il ne croit pas que la naissance du fascisme soit due à la pression de crises économiques et, assez étonnamment, estime que la première Guerre mondiale (ou tout autre conflit) a eu peu d'influence sur l'émergence du phénomène. En ce sens, Sternhell s'oppose à la majorité des experts ès-fascisme (pp.96 et 101). C'est dans cette thèse, précisément, que se manifeste clairement l'option "gramsciste" de Sternhell, nonobstant le fait que jamais le nom de Gramsci n'apparaît dans l'œuvre du professeur israëlien. Sternhell ne prend les "crises" au sérieux que lorsqu'il s'agit de crises morales, de crises des valeurs ou de crise globale, affectant une civilisation dans son ensemble.

4.6. "Auschwitz" en tant qu'argument-massue n'apparaît nulle part. Sternhell fait preuve d'une étonnante objectivité, ce qui est particulièrement rare dans les études sur le fascisme. Mais une telle attitude semble apparemment plus facile à adopter en Israël qu'à New York ou à Zurich. Ainsi, Sternhell n'hésite pas à reconnaître au fascisme "une certaine fraîcheur contestataire, une certaine saveur de jeunesse" (p.80). Il renonce à toute pédagogie moralisatrice. Mais il est très conscient du "problème de la mémoire", mémoire réprimée et refoulée; il l'évoquera notamment à propos de certaines figures au passé fasciste ou fascisant qui, après 1945, ont opté pour la réinsertion en se faisant les porte-paroles du libéralisme: Bertrand de Jouvenel (p.11), Thierry Maulnier (p.12) et surtout le philosophe du personnalisme, fondateur de la revue Esprit , Emmanuel Mounier (pp 299 à 310).

5. La formule du fascisme chez Sternhell

5.1. Les carences du libéralisme et du marxisme. Après cette introduction, nous sommes désormais en mesure d'expliciter l'alchimie du fascisme selon Sternhell. Pour cet historien israëlien, le fascisme s'explique en fonction d'un préliminaire historique, sans lequel il serait incompréhensible: l'incapacité du libéralisme bourgeois et du marxisme à assumer les tâches imposées par le XXème siècle.Cette incapacité constitue une carence globale, affectant toute notre civilisation, notamment toutes les institutions, les idéologies, les convictions qu'elle doit au XVIIIème, siècle du rationalisme et du mécanicisme bourgeois. Libéralisme et marxisme sont pour Sternhell les deux faces d'une même médaille. Inlassablement, il souligne que la crise de l'ordre libéral a précédé le fascisme, que cette crise a créé un vide où le fascisme a pu se constituer. Fallait-il  nécessairement que ce fascisme advienne? Sternhell ne se prononce pas, mais toute sa démonstration suggère que cette nécessité était inéluctable.

5.2. Révisionnistes de gauche et nationalistes déçus. Généralement, pour expliquer la naissance du fascisme, on évoque la présence préalable d'un nationalisme particulièrement radical et exacerbé. Sternhell, lui, trouve cette explication absurde. D'après le modèle explicatif qu'il nous suggère, l'origine du fascisme s'explique bien davantage par le fait qu'aux extrémités, tant à gauche qu'à droite, du spectre politique, des éléments se sont détachés pour se retrouver en dehors de ce spectre et former un troisième et nouvel élément qui n'est plus ni de gauche ni de droite. Dans la genèse du fascisme, Sternhell n'aperçoit aucun apport appréciable en provenance du centre libéral. D'après lui, le fascisme résulte de la collusion de radicaux de gauche, qui n'admettent pas les compromis des modérés de leur univers politique avec le centre mou libéral, et de radicaux de droite. Le fascisme est, par suite, un amalgame de désillusionnés de gauche et de désillusionnés de droite, de "révisionnistes" de gauche et de droite. Ce qui paraît important aux yeux de Sternhell, c'est que le fascisme se situe hors du réseau traditionnel gauche/centre/droite. Dans l'optique des fascistes, le capitalisme libéral et le socialisme marxiste ne s'affrontent qu'en apparence. En réalité, ils sont les deux faces d'une même médaille. L'opposition entre la "gauche" et la "droite" doit disparaître, afin qu'hommes de gauche et hommes de droite ne soient plus exploités comme chiens de garde des intérêts de la bourgeoisie libérale (p.33). C'est pourquoi la fin du XIXème siècle voit apparaître de plus en plus de notions apparemment paradoxales qui indiquent une fusion des oppositions en vigueur jusqu'alors. L'exemple le plus connu de cette fusion est la formule interchangeable: nationalisme social / socialisme national. Sternhell (p.291) insiste sur la volonté d'aller "au-delà", comme caractéristique du climat fasciste. Le terme "au-delà" se retrouve dans les titres de nombreux manifestes fascistes ou préfascistes: "Au-delà du nationalisme" (Thierry Maulnier), "Au-delà du marxisme" (Henri De Man), "Au-delà du capitalisme et du socialisme" (Arturo Labriola), "Au-delà de la démocratie" (Hubert Lagardelle). Ce dernier titre nous rappelle que le concept de "démocratie" recouvrait le concept de "libéralisme" jusque tard dans le XXème siècle. Chez Sternhell également, le concept de "capitalisme libéral" alterne avec "démocratie capitaliste" (p.27).

5.3. L'anti-ploutocratisme. L'homme de gauche qu'est Sternhell prend les manifestations sociales-révolutionnaires du fascisme plus au sérieux que la plupart des autres analystes, historiens et sociologues de son camp. Si Sternhell avait entrepris une étude plus poussée des courants philosophiques et littéraires de la fin du XIXème, il aurait découvert que la haine envers la "domination de l'argent", envers la ploutocratie, participait d'un vaste courant à l'époque, courant qui débordait largement le camp socialiste. Cette répulsion à l'encontre de la ploutocratie a été, bien sûr, un ferment très actif dans la gestation du fascisme. De nombreux groupes fascistes s'aperçurent que l'antisémitisme constituait une vulgarisation de cette répugnance, apte à ébranler les masses. L'antisémitisme, ainsi, offrait la possibilité de fusionner le double front fasciste, dirigé simultanément contre le libéralisme bourgeois et le socialisme marxiste, en une unique représentation de l'ennemi. Parallèlement, cette hostilité envers la ploutocratie pré-programmait très naturellement le conflit qui allait opposer fascistes et conservateurs.

5.4. La longue lutte entre conservateurs et fascistes. Vu la définition du fascisme qu'esquisse Sternhell, il n'est guère étonnant qu'il parle d'une "longue lutte entre la droite et le fascisme" (p.20) comme d'une caractéristique bien distincte, quoiqu'aujourd'hui méconnue, de l'époque et des situations qu'il décrit. Et il remarque: "Il en est d'ailleurs ainsi partout en Europe: les fascistes ne parviennent jamais à ébranler véritablement les assises de l'ordre bourgeois. A Paris comme à Vichy, à Rome comme à Vienne, à Bucarest, à Londres, à Oslo ou à Madrid, les conservateurs savent parfaitement bien ce qui les sépare des fascistes et ils ne sont pas dupes d'une propagande visant à les assimiler" (p.20). Aussi Sternhell s'oppose-t-il (p.40) clairement à la classification conventionnelle de la droite française, opérée par René Rémond, qui l'avait répartie en trois camps: les ultras, les libéraux-conservateurs et les bonapartistes. Il n'y a, en fait, jamais eu que deux camps de droite, les libéraux et les conservateurs, auxquels se sont opposés les révolutionnaires, les dissidents et les contestataires.

5.5. A la fois révolutionnaires et modernes. Avec ces deux termes, utilisés par Sternhell pour désigner le fascisme, l'historien israëlien a choqué ses collègues politologues. Pour lui, en effet, le fascisme est un phénomène réellement révolutionnaire et résolument moderne. "Une idéologie conçue comme l'antithèse du libéralisme et de l'individualisme est une idéologie révolutionnaire". Plus loin (p.35), Sternhell expose l'idée, d'après lui typiquement fasciste, selon laquelle le facteur révolutionnaire qui, en finale, annihile la démocratie libérale est non pas le prolétariat, mais la nation. Et il ajoute: "C'est ainsi que la nation devient l'agent privilégié de la révolution" (p.35). Les passages évoquant le modernisme du fascisme sont tout aussi surprenants. A propos d'un de ces passages (p.294), on pourrait remarquer que cette attribution de modernisme ne concerne que les fascismes italien et français:"Car le fascisme possède un côté moderniste très développé qui contribue à creuser le fossé avec le vieux monde conservateur. Un poème de Marinetti, une œuvre de Le Corbusier sont immédiatement adoptés par les fascistes, car, mieux qu'une dissertation littéraire, ils symbolisent tout ce qui sépare l'avenir révolutionnaire du passé bourgeois". Un autre passage s'adresse clairement au fascisme dans son ensemble: "L'histoire du fascisme est donc à beaucoup d'égard l'histoire d'une volonté de modernisation, de rajeunissement et d'adaptation de systèmes et de théories politiques hérités du siècle précédent aux nécessités et impératifs du monde moderne. Conséquence d'une crise générale dont les symptômes apparaissent clairement dès la fin du siècle dernier, le fascisme se structure à travers toute l'Europe. Les fascistes sont tous parfaitement convaincus du caractère universel du courant qui les guide, et leur confiance dans l'avenir est dès lors inébranlable".

6. Eléments particuliers de l'idéologie fasciste

6.1. L'anti-matérialisme. Puisque, pour Zeev Sternhell, le fascisme n'est pas simplement le produit d'une mode politique, mais une doctrine, il va lui attribuer certains contenus intellectuels. Mais comme ces contenus intellectuels se retrouvent également en dehors du fascisme, ce qui constitue concrètement le fascisme, c'est une concentration d'éléments souvent très hétérogènes en une unité efficace. Citons les principaux éléments de cette synthèse. Sternhelle met principalement l'accent sur l'anti-matérialisme (pp. 291 & 293): "Cette idéologie constitue avant tout un refus du matérialisme, c'est-à-dire de l'essentiel de l'héritage intellectuel sur lequel vit l'Europe depuis le XVIIème siècle. C'est bien cette révolte contre le matérialisme qui permet la convergence du nationalisme antilibéral et antibourgeois et de cette variante du socialisme qui, tout en rejetant le marxisme, reste révolutionnaire...Tout anti-matérialisme n'est pas fascisme, mais le fascisme constitue une variété d'anti-matérialisme et canalise tous les courants essentiels de l'anti-matérialisme du XXème siècle...". Sternhell cite également les autres éléments de l'héritage auquel s'oppose le fascisme: le rationalisme, l'individualisme, l'utilitarisme, le positivisme (p.40). Cette opposition indique que cet anti-matérialisme est dirigé contre toute hypothèse qui voudrait que l'homme soit conditionné par des données économiques. C'est quand Sternhell parle de la psychologie que l'on aperçoit le plus clairement cette opposition. Ainsi, il relève (p. 294) que les "moralistes" Sorel, Berth et Michels "rejettent le matérialisme historique qu'ils remplacent par une explication d'ordre psychologique". "Finalement", poursuit Sternhell, "ils aboutissent à un socialisme dont les rapports avec le prolétariat cessent d'être essentiels".Et il insiste: "Le socialisme commence ainsi, dès le début du siècle, à s'élargir pour devenir un socialisme pour tous, un socialisme pour la collectivité dans son ensemble,..." (p. 295). Plus explicite encore est un passage relatif au révisionnisme de Henri De Man, qui, lui, cherche la cause première de la lutte des classes "moins dans des oppositions d'ordre économique que dans des oppositions d'ordre psychologique".

6.2. Les déterminations. Il serait pourtant faux d'affirmer que, pour le fascisme, l'homme ne subit aucune espèce de détermination. Pour les intellectuels fascistes, ces déterminations ne sont tout simplement pas de nature "mécanique"; entendons par là, de nature "économique". Comme l'indique Sternhell, le fasciste ne considère pas l'homme comme un individu isolé, mais comme un être soumis à des contraintes d'ordres historique, psychologique et biologique. De là, la vision fasciste de la nation et du socialisme. La nation ne peut dès lors qu'être comprise comme "la grande force montante, dans toutes ses classes rassemblées" (p. 32). Quant au socialisme, le fasciste ne peut se le représenter que comme un "socialisme pour tous", un "socialisme éternel", un "socialisme pédagogique", un "socialisme de toujours", bref un socialisme qui ne se trouve plus lié à une structure sociale déterminée (Cf. pp. 32 & 295).

6.3. Le pessimisme. Sternhell considère comme  traits les plus caractéristiques du fascisme "sa vision de l'homme comme mu par des forces inconscientes, sa conception pessimiste de l'immuabilité de la nature humaine, facteurs qui mènent à une saisie statique de l'histoire: étant donné que les motivations psychologiques restent les mêmes, la conduite de l'homme ne se modifie jamais". Pour appuyer cette considération, Sternhell cite la définition du pessimisme selon Sorel: "cette doctrine sans laquelle rien de très haut ne s'est fait dans le monde" (p. 93). Cette définition rappelle en quoi consiste le véritable paradoxe de l'existentialité selon les conservateurs: la perception qu'a l'homme de ses limites ne le paralyse pas, mais l'incite à l'action. L'optimisme, au contraire, en surestimant les potentialités de l'homme, semble laisser celui-ci s'enfoncer sans cesse dans l'apathie.

6.4. Volontarisme et décadence. Sternhell, qui n'est pas philosophe mais historien, n'est nullement conscient de ce "paradoxe du conservateur". Il constate simplement la présence, dans les fascismes, d'une "énergie tendue" (p. 50) et signale sans cesse cette volonté fasciste de dominer le destin (pp. 65 & 294). Sternhell constate que le problème de la décadence inquiète le fasciste au plus haut point. C'est la raison pour laquelle celui-ci veut créer un "homme nouveau", un homme porteur des vertus classiques anti-bourgeoises, des vertus héroïques, un homme à l'énergie toujours en éveil, qui a le sens du devoir et du sacrifice. Le souci de la décadence aboutit à l'acceptation de la primauté de la communauté sur l'individu. La qualité suprême, pour un fasciste, c'est d'avoir la foi dans la force de la volonté, d'une volonté capable de donner forme au monde de la matière et de briser sa résistance. Sternhell se livre à de pareilles constatations jusqu'à la dernière ligne de son ouvrage; ainsi, à la page 312: "Dans un monde en détresse, le fascisme apparaît aisément comme une volonté héroïque de dominer, une fois encore, la matière, de dompter, par un déploiement d'énergie, non seulement les forces de la nature, mais aussi celles de l'économie et de la société".

6.5. La question de la vérité. D'une part, le pessimisme; d'autre part, le volontarisme. Pour une pensée logique, ce ne pourrait être là qu'un paradoxe. Mais le fascisme se pose-t-il la question de la vérité? Voyons ce que Sternhell déclare à propos de l'un des "pères fondateurs" du fascisme: "Pour un Barrès par exemple, il ne s'agit plus de savoir quelle doctrine est juste, mais quelle force permet d'agir et de vaincre" (p. 50). Comme preuve du fait que le fascisme ne juge pas une doctrine selon sa "vérité", mais selon son utilité, Sternhell cite Sorel au sujet des "mythes" qui, pour l'auteur des Réflexions sur la violence, constituent le moteur de toute action: "...les mythes sont des "systèmes d'images" que l'on ne peut décomposer en leurs éléments, qu'il faut prendre en bloc comme des forces historiques... Quand on se place sur le terrain des mythes, on est à l'abri de toute réfutation..." (pp. 93 & 94).

En résumé...

Nous n'avons pu recenser le livre de Sternhell que dans ses lignes fondamentales. Nous avons dû négliger bien des points importants, tels son allusion à la "nouvelle liturgie" comme partie intégrante du fascisme (p. 51), à son anti-américanisme latent (même avant 1914) (p. 290); nous n'avons pas approfondi sa remarque signalant que, pour le fascisme, la lutte contre le libéralisme intérieur a toujours été plus importante que la lutte menée contre celui-ci pas certains dictateurs... (p. 34). En tant que recenseur, je me permets deux remarques, pouvant s'avérer utiles pour le lecteur allemand. D'abord, l'Allemagne n'est que peu évoquée chez Sternhell. En fait de bibliographie allemande, il ne cite que les livres de Nolte traduits en français; on peut dès lors supposer qu'il ne maîtrise pas la langue de Goethe. Ma seconde remarquer sera de rappeler au lecteur allemand ma tentative de redonner une consistance au concept de "fascisme", en le limitant à un certain nombre de phénomènes historiques (Cf. Der faschistische Stil, 1973; trad.franç.: Le "style" fasciste, in Nouvelle Ecole, n°42, été 1985). Sternhell, pour sa part, a donné au terme "fascisme" une ampleur énorme. Son effort est justifiable, dans la mesure où sa vaste définition du "fascisme", au fond, correspond à ce que je désignais sous l'étiquette de "révolution conservatrice". Bref, on peut dire du livre de Sternhell qu'il a envoyé au rebut la plupart des travaux consacrés jusqu'ici à l'étude du fascisme...

Armin MOHLER.

(recension tirée de la revue Criticón, Munich, n°76, mars-avril 1983; traduction française d'Elfrieda Popelier).     

 

 

 

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vendredi, 06 février 2009

Heidegger e l'Università

Heidegger e l’Università


In tempi in cui torna a farsi prepotente il dibattito sull’educazione superiore, vale la pena di riprendere in mano un’opera minore del grande esistenzialista tedesco Martin Heidegger (1889 – 1976, in foto). Si tratta del suo discorso d’insediamento al rettorato: “Die Selbstbehauptung der deutschen Universität” – pubblicato in Italia dall’editrice “Il melangolo” col titolo “L’autoaffermazione dell’università tedesca” – il quale è stato più volte accusato dalle solite ‘anime pie’ di collusione col nazionalsocialismo. Tuttavia, come mettono bene in chiaro gli apparati critici inclusi nel volumetto, non ultima la prefazione del figlio Hermann Heidegger e il breve scritto “Il rettorato 1933/34” (“1933/34”) redatto dal filosofo nel 1945, non solo non vi è il minimo riferimento al nazionalsocialismo nel testo, ma addirittura questo discorso non fu affatto gradito dal Partito. D’altra parte l’indubbio valore filosofico del testo fu ammesso anche da filosofi di sinistra quali Karl Jaspers (1883 – 1969) e Karl Löwith (1897 – 1973): “L’autoaffermazione dell’università tedesca è un discorso di elevato tenore filosofico e di grandi pretese, un piccolo capolavoro nella formulazione e nella composizione. Alla luce della filosofia è un’opera straordinariamente ambigua… e chi lo ascolta alla fine non sa se deve prendere in mano la silloge dei presocratici curata da Diels o marciare con le S.A.”

In ogni caso, nonostante Martin Heidegger fosse pienamente inserito nell’ambiente della Destra tedesca anti-weimariana, legato da rapporti anche d’amicizia con Carl Schmitt (1888 – 1985) ed Ernst Jünger (1895 – 1998), e ambisse ad essere per Hitler ciò che Gentile fu per Mussolini, gli eventi presero presto una piega diversa. In primo luogo, Heidegger, come molti altri autori della konservative Revolution, non condivideva affatto le teorie razzialiste che costituiscono la maggiore e più radicale differenza tra fascismo e nazionalsocialismo. Inoltre mancò da parte dei nazionalsocialisti, a differenza del fascismo italiano con le riforme
Gentile e Bottai, un progetto organico che promuovesse e garantisse il valore e l’autonomia del sistema d’istruzione e dell’università tedesca (per altro già molto solide di per sé). Questo discorso risulta comunque essere di particolare interesse, proprio perché, nel suo piccolo, contiene in nocciolo una teoria coerente dell’università nazionale e sociale.

In esso, Heidegger rivendica innanzitutto l’autonomia dell’università come corpo studentesco e corpo docente uniti sotto la guida del rettore. Ai fini di quest’autonomia, è però necessario interrogare se stessi, meditare sul proprio stesso essere. “L’università tedesca è per noi l’istituzione che sulle fondamenta della scienza e mediante la scienza educa e forma nella disciplina i capi e custodi del destino del popolo tedesco. Volere l’essenza dell’università tedesca significa volere la scienza e cioè volere la missione spirituale del popolo tedesco, in quanto popolo giunto alla piena coscienza di sé nel suo stato”. Per meditare su se stessi e cogliere l’essenza di questa scienza, è opportuno risalire all’inizio stesso del pensiero occidentale: la filosofia greca, la quale era ben consapevole dell’impotenza del sapere davanti al destino, ragion per cui l’interrogarsi non è avulso dalla realtà, ma guarda saldamente davanti a sé.

“Dalla decisione del corpo studentesco tedesco, di fronteggiare il destino tedesco nella sua estrema indigenza, proviene una volontà diretta all’essenza dell’università”. Perciò, il concetto spesso travisato di ‘libertà accademica’ viene ricondotto a tre obblighi, uguali per necessità e rango: il primo rivolto alla comunità del popolo, consistente nel servizio del lavoro; il secondo rivolto all’onore e al destino della nazione, consistente nel servizio delle armi; il terzo rivolto alla missione specifica del popolo tedesco, consistente nel servizio del sapere. “L’università tedesca può acquistare potenza e forma solo se i tre servizi (…) si trovano cooriginariamente congiunti in un’unica forza”. A questo fine, “ogni capacità della volontà o del pensiero, tutte le forze del cuore e tutte le facoltà del corpo devono svilupparsi mediante la lotta, accrescersi nella lotta, e perseverare come lotta”, (intendendo questa in senso eracliteo).

Concludendo, emerge chiaramente come l’università, basata sull’unione del corpo studentesco e del corpo insegnante, debba essere autonoma nel perseguire gli obblighi che la rendono veramente capace di affrontare la scienza come missione spirituale della nazione, di fronte al destino.


lunedì 19 gennaio 2009

L’utopia di una scuola pubblica nella Grecia classica


Il primo filosofo e uomo politico ad intraprendere iniziative relative all’allargamento dell’istruzione verso un pubblico sempre più vasto, secondo una tradizione riferita dallo storico Diodoro Siculo, sarebbe stato Caronda di Catania, il semimitico autore delle leggi di Turi nel VII sec. a.C.; il legislatore avrebbe fatto varare, fra gli altri, un provvedimento secondo il quale i figli di tutti i cittadini avrebbero dovuto imparare le lettere e che le spese della loro istruzione avrebbero dovuto essere pagate completamente dalla città. Aneddoti come questo aiutano certamente a cogliere un cambiamento circa le modalità dell’istruzione fra l’età classica e l’età ellenistica, e di un più generale approccio alla problematica pedagogica.

Nella Grecia dell’età classica l’istruzione era una questione essenzialmente privata. Soltanto le famiglie che avessero avuto un’adeguata disponibilità economica sarebbero state in grado di impartire un’educazione ai propri figli, rivolgendosi comunque a maestri privati. In mancanza di una qualsiasi forma di monitoraggio pubblico (mancavano dei corsi di studio regolari intesi in senso moderno), l’educazione non mirava al conseguimento di un bagaglio di nozioni determinate, ma all’adesione completa ai valori della polis. All’interno di questo sistema, stabilire quanti possedessero le competenze necessarie per leggere un qualsiasi tipo di opera letteraria è difficile capirlo; l’ipotesi più probabile è che comunque questo bagaglio di competenze si restringesse alle classi egemoni, le uniche a possedere la disponibilità economica indispensabile, e che quindi riguardasse un numero ristretto di individui.

L’interesse verso l’allargamento dell’istruzione comincia ad avvertirsi alla metà del IV sec. a.C.




I primi segni di questo processo sono inizialmente limitati alla speculazione teorica e sono ravvisabili nella riflessione filosofica di Platone, in cui, nei dialoghi della maturità, quali ad es. la Repubblica, le osservazioni pedagogiche proposte fino a quel momento diventano funzionali alla costituzione dello Stato ideale continuamente cercato. Dalla tarda antichità ci è pervenuta la notizia per cui sul portone dell’Accademia era esposta questa frase come epigrafe: ΑΓΕΩΜΕΤΡΗΤΟΣ ΜΗΔΕΙΣ ΕΙΣΙΤΩ («non entri chi non è geometra»), e ciò in virtù della selezione da affrontare per poter raggiungere le vette dell’educazione, cui solo il filosofo può aspirare. Tuttavia, quand’anche l’epigrafe risultasse essere solo una finzione poetica creata dai rètori ellenistici, la massima esprime in modo assolutamente perfetto il programma che Platone metteva in atto nell’Accademia, per cui la scienza del numero costituiva lo sbarramento per poter raggiungere la sfera dell’intelligibile e contemplare l’Essere. Al fine di costruire una città il più possibile ordinata, Platone fornisce alcune indicazioni concrete in tal senso, contenenti molte novità rispetto alla tradizione precedente, come l’insistenza in più di un luogo della sua opera di pianificare per legge un aumento del numero degli alfabeti.

La trattatistica politica successiva continua a confrontarsi con il problema dell’educazione, come riflesso delle esigenze delle nuove realtà statali createsi dopo la morte di Alessandro Magno (323 a.C., in foto). Nei regni dei diàdochi, infatti, caratterizzati da un alto tasso di burocratizzazione e da un conseguente aumento del numero dei documenti, gli analfabeti erano penalizzati rispetto a chi possedesse un alfabetismo anche solo funzionale. Il filosofo Aristotele dedica all’argomento la fine del VII e tutto l’VIII libro della Politica, purtroppo giunto a noi in forma incompleta. Quest’opera, nonostante un’impostazione teorica meno ambiziosa, pone l’educazione al centro delle preoccupazioni politiche di un governante: «nessuno potrà contestare che il legislatore debba adoperarsi al massimo grado per garantire l’istruzione dei giovani». Tutto ciò implica che l’istruzione sia garantita a tutti e pubblica: «non come accade oggi che ognuno si prende cura privatamente dei propri figli e fornisce loro, in privato, l’istruzione che preferisce». Quest’idea inizia a trovare accoglienza sempre più vasta presso altre scuole filosofiche ellenistiche, cui sono dedicati un ampio numero di trattati specialistici: il Perì paidèias (“Sull’educazione”) che Sozione annovera tra gli scritti di Aristippo, i Paudeutikòi nòmoi (“Le regole dell’educazione”) di Aristosseno e, non ultimi, il Perì tès Ellenikès paidèias (“Sull’educazione ellenica”) di Zenone, e il Perì agoghès (“Sul percorso educativo”) di Cleante.

Tuttavia, nonostante l’interesse mostrato verso questo tipo di esigenze, avvertite da strati sempre più ampi della popolazione, l’accesso all’istruzione non raggiunse mai soluzioni di massa, come nei tempi attuali, ma fu patrimonio esclusivo di un’élite politico-militare di volta in volta al comando.

Lo stesso avvenne ad Atene, madre legittima della genuina e autentica democrazia, in cui, sebbene l’alfabetismo fosse lievemente più diffuso che in altre poleis elleniche, una scuola pubblica capace di formare il cittadino politicamente capace non vide mai la propria nascita. Non a caso Socrate (in foto) – antidemocratico viscerale – lamentò più volte il mal costume proprio dei sofisti, i quali attiravano i rampolli delle più nobili schiatte della città al fine di essere remunerati in cambio di lezioni private. E la retorica sofistica era arma assai preziosa in un sistema assembleare e formalmente paritetico quale quello ateniese.

Anche nell’Atene democratica, dunque, l’istruzione – o meglio la “precettura” – fu esclusivo appannaggio delle classi abbienti ed egemoni, le reali, benché inconfessate, detentrici del potere politico.

jeudi, 05 février 2009

Parallelismi storici: Augusto e Mussolini

PARALLELISMI STORICI : AUGUSTO E MUSSOLINI

Ex: htpp://patriaeliberta.myblog.it

 

Parallelismi: Augusto e Mussolini

A e M.jpgNumerosi autori antichi hanno parlato di Historia magistra vitae ("la Storia è maestra di vita") - formula coniata da Cicerone -, e molti intellettuali posteriori ribadirono e riproposero il concetto. La Storia, intesa in senso gnoseologico (ossia la conoscenza che noi abbiamo dei fatti storici), sarebbe un ottimo "strumento" grazie al quale ci è possibile riconoscere eventi simili tra loro, e che ci permetterebbe quindi di comportarci di conseguenza. Lo stesso Machiavelli basò su questo concetto il suo celeberrimo trattato Il Principe: colui che conosce la storia e quali furono gli esempi di virtù o d’errore che occorsero di fronte ad analoghe condizioni, egli saprà indirizzare gli eventi a suo favore e sarà il "vero" e ottimo principe, ossia il reggitore dello Stato. Tuttavia Guicciardini si mostrò scettico nei confronti di questa teoria, e obiettò che gli avvenimenti storici non si ripetono mai nella stessa maniera, e che il buon statista deve essere in grado di interpretarli correttamente, escogitando volta a volta le soluzioni migliori.

Ma, per tornare a noi, è proprio vero che la storia è magistra vitae? Forse sì, ma esiste certamente anche l’altra faccia della medaglia: Vita magistra historiae ("la vita è maestra della Storia"), ossia ogni epoca ha riletto, interpretandole in maniere sempre diverse, alcune singole esperienze storiche, lasciandovi qualcosa di se stessa. Così è stato ad es. per Sparta, giacché i comunisti videro nella costituzione di Licurgo un fulgido esempio di uguaglianza tra i cittadini, mentre i nazionalsocialisti la esaltarono quale Stato "razziale" per eccellenza.

Anche la figura di Augusto, una delle più affascinanti che la Storia abbia conosciuto, subì lo stesso processo. Un caso interessante fu quello dell’identificazione, in epoca fascista, di Augusto con Mussolini (1883 - 1945). Nel 1937 cadeva infatti il bimillenario della nascita dell’imperatore, e fu allestita - non a caso - la Mostra Augustea della Romanità. Tale mostra, che ebbe sede nel Palazzo delle Esposizioni a Roma sotto la direzione del grande archeologo G. Q. Giglioli, raccoglieva un’imponente mole di riproduzioni di materiali inerenti alla storia di Roma antica, volendone essere una grandiosa celebrazione. Una sala dell’esposizione, l’ultima, era dedicata - per l’appunto - ad Augusto e Mussolini.

Ma perché il Duce del Fascismo era accostato ad Augusto? I motivi sono molteplici.

Augusto (63 a.C. - 14 d.C.), al contrario di quanto alcuni ancora credono, non fu il vero erede politico del padre adottivo Caio Giulio Cesare (100 - 44 a.C.). Cesare aveva in mente Roma come una monarchia universale, ossia uno Stato in continua espansione territoriale e governato da un monarca assoluto. Questa concezione era invero stata raccolta da Marco Antonio, suo fedele luogotenente e - non a caso - futuro nemico di Ottaviano (poi Augusto). L’ideale di quest’ultimo fu infatti quello che poi strutturò in quasi un cinquantennio di governo, ossia il principato, retto da un capo carismatico (princeps) e non necessariamente espansionista, più vicino al modello statuale di Pompeo.
Augusto fu quindi visto nei secoli come il virtuoso "architetto" e ordinatore dello Stato, contrapposto al Cesarismo, mito che ebbe anch’esso molta fortuna, ad es. presso colui che meglio lo personificò: Napoleone Bonaparte (1769 - 1821).

Tuttavia sia Augusto che Mussolini possono essere letti e accostati secondo due ruoli che rivestirono entrambi: il rivoluzionario e lo statista.

Ultimamente è tornata molto di moda l’espressione "la prima marcia su Roma" - formula coniata da Ronald Syme nella sua splendida The Roman Revolution (1939) -, ossia quella che iniziò il futuro Augusto il 19 agosto del 43 a.C. attraversando il Rubicone (come già fece suo padre Cesare). Si era appena conclusa la cosiddetta "guerra di Modena" tra Ottaviano, investito del potere dal senato, e Antonio; durante i combattimenti perirono - in maniera più che sospetta - i due consoli Irzio e Pansa: Roma ora non aveva più i sommi magistrati che reggevano la repubblica. Questo vuoto di potere - casuale o abilmente macchinato - offrì a Ottaviano la tanto agognata "occasione" (kairòs in greco): richiese al senato il consolato per sé e ricompense ai suoi soldati; al netto rifiuto non esitò a marciare sull’Urbe. Il giovanissimo Ottaviano (aveva solo diciannove anni!) era precoce, e mostrò tutta la sua abilità politica prima di entrare al senato: quest’ultimo gli aveva mandato a dire che era possibile indire regolari elezioni a cui gli era lecito partecipare. Ma a rifiuto Ottaviano oppose rifiuto, entrò nella curia e, gettando indietro il mantello e mostrando l'elsa della spada quasi del tutto sguainata, tuonò: "Questa lo farà console se non lo farete voi!". Allora Cicerone, prototipo del vecchio statista, si abbandonò a imbarazzanti blandizie con Ottaviano, con il recondito, benché vano, intento di poter meglio controllare il "ragazzo" (così lo chiamava nelle sue lettere). Questo ricordò a Syme il vecchio Giolitti che, dapprima umiliandosi, tentò invano di "pilotare", previa "marcia su Roma", il giovane (aveva appena trentanove anni) e arrembante Mussolini.

Ma il paragone tra Augusto e Mussolini per la Mostra Augustea della Romanità riguardava certamente le figure di Augusto e di Mussolini in quanto statisti.
Se durante la campagna etiopica, infatti, il Duce fu accostato, come si addiceva al fondatore del sorgente impero, a Cesare, negli anni successivi la propaganda del regime fascista pose l’accento sul Mussolini ordinatore dello Stato. La contrapposizione Cesare-Augusto aveva ispirato anni prima l’opera di Guglielmo Ferrero (1871 - 1942) Grandezza e decadenza di Roma (1906-7 in 5 volumi) che lodava il lavoro oscuro e paziente di Augusto (in antitesi con quello più appariscente e risonante di Cesare) identificandolo con Giolitti: paragone che certamente nobilitava oltremodo il vecchio statista italiano.

Al contrario la personalità politica di Benito Mussolini, grazie alla sua imponente e lungimirante opera di strutturazione del regime fascista, meglio si attagliava a quell’Augusto che, da vero "architetto", aveva dato forma al Principato con riforme che investirono quasi tutti gli aspetti dell’apparato statale romano. Altro tratto in comune tra i due "duci", fu il carattere restauratore delle due rivoluzioni a cui diedero vita: Augusto, nel fondare il nuovo Stato, si propose di restaurare – per l’appunto – la tanto amata Res Publica, attraverso un oculato compromesso formale (come scrisse Tacito, i nomi erano gli stessi ma altri erano i concetti che essi esprimevano); anche Mussolini aveva donato alla rivoluzione fascista una connotazione non già sovversiva, bensì restauratrice. Ora che tale rivoluzione si stava esaurendo, e il Fascismo si andava affermando quindi come Regime, fu logica - e tutt’altro che peregrina - l’identificazione di Mussolini con Augusto.

Un ulteriore carattere lega, infine, i due statisti: l’auctoritas, la quale era la base del loro potere e che traeva la propria forza e legittimazione dal consenso pressoché unanime del popolo di cui essi godevano.

Tuttavia gli eventi che conclusero le loro esistenze non possono che differire in maniera più netta. Augusto morì alla veneranda età di quasi settantasei anni, con l’intima soddisfazione di aver edificato le fondamenta della Roma imperiale col plauso dei contemporanei e dei posteri; al contrario Mussolini soffrì il patibolo, al quale si avviò con l’animo sconsolato di chi è stato tradito da un popolo che tanto aveva amato, che, ingrato, avrebbe bestemmiato il suo nome nei decenni a venire.

Fonte: http://augustomovimento.blogspot.com/2008/11/paralleli...

mercredi, 28 janvier 2009

Lucha de clases / E. Niekisch : Lucha de clases

Lucha de clases

http://elfrentenegro.blogspot.com:



Introducción 

La lucha de clases apunta hacia arriba, en exigencia de los privilegios que le son negados. Quien está arriba toma medidas para no caer abajo, el que está abajo intenta en todo momento alcanzar la altura y el privilegio del que está arriba. Ahí está la importancia de la solidaridad de clase – sin solidaridad no hay revolución, sino capitalismo. El deseo de estar arriba, la lucha por alcanzar los elevados privilegios de unos pocos se convierte en zanahoria que hace avanzar al burro con la carga cuando este es solo individual. La publicitación de casos como el de Richard Branson, dueño de Virgin, que teóricamente comenzó siendo únicamente un parado sin futuro, fomenta este afán cómplice de trepar. El capitalismo utiliza y explota el anhelo de todos nosotros por alcanzar los privilegios de las clases altas. De lo que se trata el socialismo es de trabajar solidariamente, colectivamente, para acabar con esta desigualdad explotadora y no caer en las redes, en la orgía de ambiciones mezquinas y rivalidades miserables a la que nos arrastra tantas veces esta malvada lógica del capitalismo.

La competitividad y el individualismo deben ser substituidos por la colaboración y la solidaridad.



Lucha de clases
Por Ernst Niekisch

El siguiente texto fue publicado en noviembre de 1932 en la revista “Widerstand”. Estas líneas escritas por Niekisch tienen hoy todavía validez. Del mismo modo que en aquel entonces la clase política de la República de Weimar acordó una alianza con las potencias vencedoras de Versalles, se ha realizado tras la Segunda Guerra Mundial una simbiosis con el imperialismo occidental y el globalismo del capital.

Para una definición más cercana de la lucha de clases, por “proletariado” debe entenderse la totalidad de los trabajadores asalariados. Extensible, además, a la economía de servicios y a ocupaciones postindustriales – y basadas en la sociedad de comunicaciones – así como a la sociedad industrial en general, siempre sobre las premisas de la propiedad privada de los medios de producción y el trabajo asalariado y dependiente de esos medios de producción. En definitiva sobre la explotación capitalista desde arriba y la contradicción de clases en general.

I.

La diferencia de clases y la oposición que existe entre ellas sobre fundamentos tangibles, es un hecho que descansa inevitablemente en las particularidades de la naturaleza humana, ademas de en la forma de las sociedades humanas y su estructuración. En los tiempos de la “sociedad orgánica” (estamental-feudal) se escondían las contradicciones entre las clases tras las tensiones siempre irresolutas entre los distintos estamentos. Rico y pobre, señor y siervo, empleador y empleado, pero también noble y burgués no son de ningún modo únicamente las polaridades de un conjunto armonioso que se complementaban mutuamente, sino que mostraban una situación explosiva que debía ser domada por la estructura social, que debía ser combatida incesantemente por ésta.

Cuando el sentimiento de oposición de clases se eleva hasta convertirse en voluntad de luchar contra esa oposición, entonces se convierte esta oposición de clases en lucha de clases. La oposición de clases es algo que existe más allá de la voluntad humana. La lucha de clases es una consciente culminación de esta oposición, y que es alcanzada por voluntad humana. La oposición de clases se la encuentra uno, la lucha de clases debe ser organizada. La oposición de clases es un estado de cosas, la lucha de clases es una puesta en movimiento. Si la oposición de clases es el destino, la lucha de clases es la rebelión contra ese destino.

Las divisiones de clases son verticales. Éstas van de abajo hacia arriba. Abajo se soportan las cargas, la presión de la totalidad descansa sobre las espaldas de los que ahí se encuentran. Cuanto más se sube, más ligero se siente uno, con mayor libertad se puede mover uno y más puede estirar cabeza y hombros. La mirada de abajo hacia arriba es distinta a la mirada que se hace de arriba abajo. Abajo no hay nada que pueda ser envidiable para el que se halla arriba. El que está arriba no tiene ningún motivo para desear el destino de los que se encuentran por debajo suyo. Él disfruta su elevada condición, su excelsia, cada vez que baja su mirada hacia abajo. En cambio, lo alto que es mirado desde abajo, se muestra como el mejor, el más feliz de los destinos. Uno está excluido de él mientras permanece abajo, en definitiva se sufre y envidia cuando se contempla hacia arriba, a los privilegiados. Este hecho sencillo y básico constata que existen diferencias, las diferencias de clase.

Así es comprensible que la voluntad de lucha de clases sólo puede ser realmente entendida desde abajo. El que está arriba encuentra la situación del orden mundial bien atada para no perder su elevada posición. Quien está favorecido, piensa siempre estarlo con justicia. Él está, en el marco de la oposición de clases, en el lado de la luz. Allí no se desarrolla ningún impulso para tomar combatientemente los espacios que se hallan en el lado de la sobra. La burguesía está así siempre a favor del no-cambio, del Status Quo, de la Reacción – toda energía transformadora es automáticamente enemiga de ella, pues es potencial amenaza a su orden, al orden que le garantiza la continuidad de sus privilegios. La lucha de clases apunta siempre hacia arriba, en exigencia de los privilegios que le son negados. Quien está arriba toma todas las medidas para no caer abajo en cuanto la lucha de clases comienza. Todos los que están arriba tienen muy buenas razones para estigmatizar la lucha de clases como la peor infamia y el más terrible sacrilegio. Arriba se está muy bien. Para poder seguir sintiendose seguros en su comodidad, es necesario que los que esten abajo se acomoden a este estado de cosas con la misma satisfacción. Lucha de clases significa para ellos lo que un terremoto: que el suelo sobre el que tan cómodamente se han establecido se tambalee. “La lucha de clases debe ser desterrada como mal absoluto”: sobre esto están arriba todos de acuerdo. Cuando abajo se esté también de acuerdo, entonces se habrá acabado con la lucha de clases; el que está arriba, no necesitará tener nunca más el temor de ser derribado de sus privilegios. Pero abajo no están todos de acuerdo. Existe un creciente anhelo de atacar hacia arriba. Aquellos que no poseen nada más que las cadenas que los esclavizan, siempre volverán a tentar la suerte para ganarlo todo. Así pues, nunca será silenciado el ruido de la lucha de clases mientras éstas sigan existiendo.

II.

El marxismo afirma que la fuerza proulsora de la historia es la lucha de clases. Para él la historia no es otra cosa que la “historia de la lucha de clases”. Él mismo es la más completa empresa histórica de profundizar la conciencia de clase de las masas oprimidas a nivel global y de empaparla con el fanatismo de la voluntad de lucha de clase. Su interpretación histórica es uno de los medios para alimentar esta voluntad de lucha. Él explica la historia del mismo modo que quiere hacer historia.

Desde hace 70 años el trabajador alemán ha sido educado para la conciencia de clase. No existe en el Mundo ningún trabajador cuya voluntad de lucha de clases haya sido más azuzada. Sin embargo el trabajador alemán, hasta la fecha, todavía no ha llegado al día en el que se haya aventurado a la revolución del proletariado. 1918 fue un simple derrumbamiento: la política de coaliciones posterior a él no fue una lucha de clases sino un servicio lacayo al orden burgués. La causa del proletariado en su lucha de clases nunca ha conseguido hasta el momento actual la posibiliad de hacer historia en Alemania.

III.

Lucha de clases fue el leantamiento de la burguesia francesa contra el orden social feudal en el año 1789. Bajo los sucesores de Luis XIV (El Rey Sol), se fue hundiendo pedazo a pedazo la posición mundial de Francia. Perdió sus posiciones en América, se vió superada por Prusia y Austria, el endeudamiento del Estado paralizó su capacidad de movimiento en política exterior, etc. La capa feudal dominante despilfarró una brillante herencia histórica, estaba en camino de llevar a Francia a la completa ruina. Se convirtió en una fatal administradora de las necesidades vitales de su pueblo. ¿Existía un mejor protector de estas necesidades vitales? La burguesía reivindicó el poder serlo. Los aristócratas exilados, que azuzaron a las potencias extranjeras desde Coblenza contra Francia traidoramente, confirmaron la validez de esta reivindicación.

La burguesía ahuyentó a la nobleza por puro instinto de clase. Pero ésta se había ganado ya el ser expulsada por motivos de política nacional. La transformación fue mucho más que un acontecimiento social. En la Revolución Francesa se unió la lucha de clases con una ardiente preocupación nacional. El pueblo francés salvó su patria de la europa reaccionaria cuando decapitó a su rey y a su nobleza. El derribo del orden anterior le trajo grandes beneficios sociales, pero este derribo tuvo sobretodo una función nacional. La lucha de clases burguesa fue la forma por la que, ante la fuerza de los acontecimientos, podía ser defendida la lucha por la autodeterminación de Francia de la incompetencia de sus clases dirigentes anteriores y de las potencias extranjeras. La lucha de clases fue un medio de la lucha nacional. Fue la lucha nacional y no la lucha de clases lo que finalmente le dio a los acontecimientos su verdadero sentido. La oposición de clases fue azuzada hasta el nivel de lucha de clases para que se convirtiera en el impulso político necesario para la salvación nacional y en definitiva, de todos los franceses en su conjunto. La burguesía francesa se convirtió en la clase soberana porque su lucha de clases se subordinó a las necesidades políticas y nacionales de Francia en su conjunto. La lucha de clases de la Revolución Francesa no se agotó en su propio contenido porque la burguesía francesa construyó un nuevo poder nacional y político, y tomó la responsabilidad del país: ella quedó vencedora en la lucha de clases porque llevó con éxito la causa nacional hasta el final.

Del mismo modo que el pueblo de Francia se protegió del hundimiento de su país a causa de una clase dirigente podrida, también salvó el trabajador de Rusia a su patria de la fatalidad de la disolución y la colonización por parte de poderes extranjeros en 1917. La clase alta feudal y aristocrática de la rusia zarista se vendió a los enemigos del pais. Le pusieron un precio a la independencia nacional: la garantía de sus inaceptables privilegios y comodidades. De este modo se convirtió la mera existencia de esa clase alta en un peligro para Rusia; si Rusia quería conservar su libertad e independencia debía aniquilar esa corrompida clase alta. Se habían convertido en aliados y agentes de las potencias occidentales, la simple defensa de sus privilegios de clase era traición a la patria. Por consiguiente, les correspondía el destino de todos los traidores. Así, la Eterna Rusia pasó a manos de los partisanos, de los regimientos de trabajadores. Lenin fue reclamado como fiducidario de los intereses nacionales y del pueblo ruso de la noche al dia. La lucha de clases no hubiera tenido esa fuerza incendiaria si no hubiera sido cargada con la dinamita de la cuestión nacional. Anteriormente, la lucha de clases ya se puso de manifiesto como realidad, pero no tenía ni el filo ni el impulso necesarios para conquistar el poder. Sólo era un leve calor en las vigas de la estructura que quería derribar. Éste devino grande, convirtiéndose en un inmenso fuego, purificador de todo lo podrido, en el momento en el que tomó la responsabilidad de la causa nacional. También la revolución rusa fue una revolución nacional. La voluntad de lucha de clases del proletariado ruso tuvo su función política. Fue la moral del soldado, la que puso en movimiento a la clase trabajadora para tomar las riendas de un pais mal gobernado.

IV.

Es un hecho penoso el que los trabajadores alemanes con conciencia de clase, aparten la causa obrera de la causa nacional. Esto afecta tanto a socialdemócratas como a comunistas. Ellos se obstinan en su egoismo de clase, dogmáticamente centrado en si mismo y por lo tanto políticamente incapaz a nivel nacional y colectivo. Sus motivos, por si mismos, carecen del suficiente peso político como para gobernar a todo el pais. Con su actitud están eludiendo la responsabilidad de ser la necesaria herramienta que arregle la totalidad de los problemas del pais en estos dias, entre los cuales, la desigualdad de clases es sólo uno más; muy importante, pero no el único. La Socialdemocracia y el Partido Comunista son figuras sin vida, les falta la resolución de penetrar de pleno en la problemática alemana. El modo de entender la lucha de clases de los socialdemócratas, se convirtió en seguida en una frase vacía; ésta no intimidó en absoluto a los acomodados bugueses alemanes, más bien se sumó a ellos, y en seguida ha acabado convirtiéndose en un movimiento en manos de la burguesía, la política exterior francesa y su opresión de nuestro país. La lucha de clases desde la perspectiva del Partido Comunista, en cambio, se ha dispersado en una cacofonía sin sentido. Se esforzó por representar la revolución mundial, pero acabó siendo cautivo de los intereses de Rusia en suelo alemán (1).

El carácter burgués del Tratado de Versalles, su opresión sobre el pueblo alemán, es en la actualidad el desafío que la clase trabajadora debe tomar. Es necesario conquistar la emancipación como trabajadores, pero también como pueblo. Su voluntad de lucha de clase debe unirse a la voluntad de autodeterminación de Alemania. La socialdemocracia persiste ante este desafío en un llamativo mutismo. El comunismo alemán se ha sentido ocasionalmente inclinado a responder a este desafío, pero no han sido más que maniobras tácticas y superficiales. Ahora ya, hasta esos tanteos se han dejado de lado y ha vuelto de nuevo a cerrarse en su egoismo de clase. El que se esté imposibilitando la necesaria conexión entre la lucha de clases contra la opresión de la burguesía y la lucha por la autodeterminación de Alemania contra la opresión de las potencias occidentales, está favoreciendo a las fuerzas de la Reacción, y también al fascismo en su camino hacia el poder. La clase alta alemana, la burguesía, está pactando y colaborando con el enemigo extranjero, ella está pactando con Versalles del mismo modo que intentó pactar la clase alta rusa, la corrompida aristocracia feudal rusa, con Francia, Inglaterra, Japón y America en su momento. Ella está vendiendo el pais a las potencias occidentales, entregando sus riquezas a los Trusts interncacionales y endeudando al Estado, llevándolo hacia la catástrofe sólo en su propio beneficio, perjudicando al conjunto de la Nación. Su política es la política del prostituirse al mejor postor. Ella ha perdido cualquier autoridad moral para seguir donde está.

Pero no está habiendo nadie que tome la herramienta que salve a Alemania. Sólo mediante una lucha de clases alentada por el anhelo de libertad y soberanía de los alemanes puede salvar la situación actual. La lucha de clases por si sola se está demostrando del todo insuficiente, su aliento no basta para tomar una tamaña tarea histórica bajo su responsabilidad. (2)

Y así permanece esta tarea sin hacer.

Y así puede el orden burgues continuar desmantelando el sistema de protección social.

Esto es lo trágico de la situación alemana actual: el que la necesaria unión entre la causa del proletariado y la causa nacional no se esté realizando ni siquiera en sus aspectos más elementales.

La voluntad de lucha de clases, entendida así, más preocupada por su pureza que por su aplicación práctica, no liberará ni siquiera la capa social de la que se cuida.

La voluntad de lucha de clases como órgano político y contenido en la voluntad vital nacional es aquello que otorga la libertad a los pueblos.

NOTAS

(1) Tählemann era el hombre de Estalin en Alemania, el cual tras una serie de movimientos dudosos tomó la dirección del KPD (Partido Comunista Alemán), tal era la dependencia de este partido de Rusia, que incluso las intrigas y divisiones entre trotskistas y estalinistas por la toma del poder en Moscú acababan repercutiendo en él. Tal y como también se vió a partir del primero de mayo de 1937 en la Guerra Civil Española, los partidos comunistas (de la Tercera Internacional) se convirtieron en agentes de una especie de imperialismo ruso de izquierdas y no de la revolución obrera a nivel mundial. La mayor parte del pueblo alemán no estaba dispuesto a votar una opción que significaba el convertirse en un satélite de rusia (como acabaría sucediendo después de la Segunda Guerra Mundial). Ése fue un obstáculo decisivo para el comunismo en Alemania y probablemente lo que le dio el triunfo al nacionalsocialismo. El problema alemán era obrero, pero también nacional – hablamos de un pais oprimido por las potencias occidentales, constantemente humillado (prohibición de Fuerzas Armadas propias, ocupacion del Ruhr, constantes exigencias económicas a un pueblo empobrecido, política exterior en manos de los vencedores de la Primera Guerra Mundial, etc.). La mayor parte del pueblo alemán exigía una revolución contra la clase burguesa vendida a los intereses extranjeros: Tanto por cuestiones de clase como nacionales. El partido comunista alemán no supo estar en el lugar necesario porque era más ruso que alemán. Finalmente, y para desgracia de Alemania y Europa, fue el nacionalsocialismo quien supo aunar la causa del proletariado y la causa nacional.

(2) Esta formula, la unión de la causa del proletariado con la causa de la autodeterminación nacional, es la que acabaría siendo adoptada por muchos paises del Tercer Mundo en su proceso de descolonización 30 años después. Al igual que ellos, Alemania se encontraba en este período de entreguerras bajo el control económico, y en gran parte también político, de las potencias occidentales.

jeudi, 11 décembre 2008

Une biographie de Carl Schmitt

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Une biographie de Carl Schmitt

Analyse: Paul NOACK, Carl Schmitt. Eine Biographie, Ullstein/Propyläen, Berlin, 1993, 360 p., ISBN 3-549-05260-X.

 

Si les exégèses de l'œuvre de Carl Schmitt sont fort nombreuses à travers le monde depuis quelques années, si les interpréta­tions de sa notion de “décision” ou de sa “théologie politique” se succèdent à un rythme ahurissant, personne ne s'était encore at­telé à écrire une biographie personnelle du prince des politologues européens. Paul Noack (*1925), germaniste, romaniste et histo­rien, ancien rédacteur des rubriques politiques de la Frankfurter Allgemeine Zeitung  et du Münchener Merkur, actuellement profes­seur d'université à Munich, vient de combler cette lacune, en suivant chronologiquement l'évolution de Schmitt, en révélant sa vie de famille, en évoquant ses souvenirs personnels, consignés dans des journaux, des lettres et des entretiens inédits, et en repla­çant l'émergence des principaux concepts politologiques dans le vécu même, dans l'existentialité intime, de l'auteur. Noack sait qu'il est difficile de périodiser une existence, a fortiori quand elle s'étend presque sur tout un siècle, entrecoupé de guerres, de bouleversements, de violences et d'effondrements. Mais dès le départ, toutes les tranches de la première moitié de la longue vie de Schmitt sont marquées par des coupures: l'enfance (1888-1890) par l'arrachement à la patrie de ses ancêtres, l'Eifel mosellan profondément catholique, et l'exil en Sauerland; l'adolescence (1900-1907), elle, est imprégnée d'une éducation humaniste dans une ambiance cléricale édulcorée, qui a abandonné cette “totalité” mobilisatrice et exigeante, propre du catholicisme intransi­geant; la jeunesse (1907-1918) de Schmitt baigne, quant à elle, dans une Grande Prusse dés-hégélianisée, de facture wilhel­mienne, où l'engouement philosophique dominant va au néo-kantisme; le premier âge adulte (1919-1932) se déploie dans une germanité dé-prussianisée, où règne la démocratie parlementaire de Weimar contestée par les divers mouvements nationaux et par la gauche musclée.

 

Bref, cette périodisation claire, qu'a choisie Noack, indique que les bouleversements, les abandons, les relâchements se succè­dent pour aboutir au chaos des dernières années de la République de Weimar et du grand “Crash” de 1929. Cette effervescence, de la Belle Epoque au Berlin glauque où s'épanouisent au grand jour toutes les perversités, est peut-être féconde sur le plan des ruptures, des idées, des modes, des variétés, des innovations artistiques, des audaces théâtrales: elle plaît assurément aux Romantiques de tous poils qui aiment les originalités et les transgressions. Mais Schmitt reproche aux Romantiques, ceux de la première vague comme leurs héritiers à son époque, de s'engouer temporairement pour telle ou telle beauté ou telle ou telle origi­nalité: ils sont “occasionalistes”, “irresponsables”, incapables de développer, affirmer et approfondir des constantes politiques ou conceptuelles. Toute pensée fondée sur le goût ou le plaisir lui est étrangère: il lui faut de la clarté et de l'efficacité. Sa conviction est faite, il n'y changera jamais un iota: le “moi” n'est pas, ne peut pas être, un objet du penser. Celui qui hisse le “moi” au rang d'objet du penser, participe à la dissolution du monde réel. Ne sont réels et dignes de l'attention du penseur que les hommes qui s'imbriquent dans une histoire, s'en déclarent les héritiers et sont porteurs d'une attitude immuable, éternelle, qui incarnent des constances, sans lesquelles le monde et la cité tombent littéralement en quenouille.

 

Cette option, constate Noack, est le meilleur antidote contre le nihilisme et le désespoir. Pour y échapper, l'homme Schmitt entend ne pas être autre chose que lui-même et ses circonstances, notamment un Catholique impérial et rhénan, comme l'ont été ses an­cêtres. C'est dans ces circonstances-là que Schmitt s'imbrique pour ne pas être emporté par le flot des modes de la Belle Epoque ou du Berlin décadant des années 20. La politique, dès lors, doit être servie par une philosophie du droit fondée sur des concepts durs, impassables, éprouvés par les siècles, comme l'ont été ceux de la théologie jadis. Les concepts politiques qu'il s'agit d'élaborer pour sortir de l'ornière doivent être résolument calqués sur ceux de la théologie, s'ils n'en sont pas des reflets rési­duaires, inconscients ou non. Schmitt, au seuil de sa maturité, demeure quelque peu en marge de la “révolution conservatrice”, dont l'objectif majeur, dans le sillage de Moeller van den Bruck et des autres nationalistes de tradition prusso-protestante, était d'approfondir les fondements de l'“idéologie allemande”, née dans le sillage du romantisme et de la guerre de libération anti-napo­léonienne. Cette “idéologie allemande” véhicule, aux yeux de Schmitt, trop de linéaments de ce romantisme et de cet occasiona­lisme qu'il abomine. Ses références seront dès lors romanes et non pas germaniques, plus exactement franco-espagnoles: Donoso Cortès, de Bonald, de Maistre. C'est dans leurs œuvres que l'on trouve les matériaux les plus solides pour critiquer et dé­construire la modernité, pour jeter bas les institutions boîteuses et délétères qu'elle a générées, reponsables des bouleversements et des arrachements que Schmitt a toujours ressenti dans son propre vécu, quasiment depuis sa naissance. Ces institutions libé­rales, insuffisantes selon Schmitt, sont défendues avec brio, à la même époque, par Hans Kelsen et son école positiviste. Schmitt juge ce libéral-positivisme d'une manière aussi pertinente que lapidaire: «Kelsen résout le problème du concept de souve­raineté en le niant. La conclusion de ses déductions est la suivante: le concept de souveraineté doit être radicalement refoulé». S'il n'y a plus de souveraineté, il n'y a plus de souverain, c'est-à-dire plus de pouvoir personnalisé par des hommes charnellement imbriqués dans une continuité historique précise. par le truchement de ce positivisme froid, le pouvoir devient abstrait, incontrô­lable, incontestable. Son épine dorsale n'est plus une forme héritée du passé, comme la forme catholique pour laquelle opte Schmitt. Sans épine dorsale, le pouvoir chavire dans l'“informalité”: il n'a plus de conteneur, il s'éparpille. Dans ce contexte, quelle est la volonté de Schmitt? Forger un nouveau conteneur, créer de nouvelles formes, restaurer ou re-susciter les formes anciennes qui ont brillé par leur rigueur et leur souplesse, par leur solidité et leur adaptabilité.

 

Quand paraît le “concept du politique” en 1927, il est aussitôt lu par un autre maître des formes et des attitudes, Ernst Jünger, tout aussi conscient que Schmitt de la liquéfaction des formes anciennes et de la nécessité d'en restaurer ou, mieux, d'en forger de nouvelles. Enthousiasmé, Ernst Jünger écrit une lettre à Schmitt le 14 octobre 1930, qui sera l'amorce d'une indéfectible amitié personnelle. Pour Jünger, l'homme des “orages d'acier” de 1914-1918, la démonstration de Schmitt dans le "concept du politique” est une “évidence immédiate” qui “rend toute prise de position superflue” et balaie “tous les bavardages creux qui emplissent l'Europe”. «Cher Professeur», ajoute Jünger, «vous avez réussi à découvrir une technique de guerre particulière: la mine qui ex­plose sans bruit». «Pour ce qui me concerne, je me sens vraiment plus fort après avoir ingurgité ce repas substantiel». Les deux hommes étaient pourtant fort différents: d'une part le guerrier décoré de l'Ordre Pour le Mérite; de l'autre, un pur intellectuel qui n'avait jamais livré d'autres batailles que dans les livres. Jünger essaiera avec un indéniable succès d'introduire la clairvoyance de Schmitt dans les cercles néo-nationalistes, notamment les revues Die Tat, de Hans Zehrer et Erich Fried, et Deutsches Volkstum  de Wilhelm Stapel. La participation des deux hommes aux activités littéraires, philosophiques et journalistiques de la “Konservative Revolution” n'efface par leurs différences: Armin Mohler, nous rappelle Paul Noack, écrit très justement qu'ils sont demeurés chacun dans leur propre monde, qu'ils ont continué à chasser chacun dans leur propre forêt. Césure qui s'est bien visibi­lisée à l'époque du national-socialisme: retrait hautain et aristocratique de l'ancien combattant, engagement sans résultat du jur­site.

 

Mais, souligne Paul Noack, une grande figure de la gauche, en l'occurrence Walter Benjamin, écrivit aussi à Schmitt en 1930, quelques semaines après le “néo-nationaliste” Jünger, exactement le 9 décembre. Benjamin envoyait ses respects et son nou­veau livre au juriste catholique et conservateur, admirateur de Mussolini! Il soulignait dans sa lettre des similitudes dans leur ap­proche commune du phénomène du pouvoir. Cette approche est interdisciplinaire et c'est l'interdisciplinarité qui doit, aux yeux du Benjamin lecteur de Schmitt, transcender certains clivages et rapprocher les hommes de haute culture. Effectivement, l'interdisciplinarité permet seule de pratiquer un véritable “gramscisme”, non un “gramscisme de droite” ou un “gramscisme de gauche”, mais un gramscisme anti-établissement, anti-installations. Paul Noack écrit: «[Schmitt et Benjamin] sont tous deux ad­versaires de la pensée en compromis. Benjamin disait que tout compromis est corruption. Tous deux sont aussi adversaires du parlementarisme, du libéralisme politique et du système politique qui en procède. Tous deux pensent que ce n'est que dans l'état d'exception de l'esprit d'une époque se dévoile véritablement; tous deux manifestent une tendance pour l'absolu et la théologie». Et de citer Rumpf: «Benjamin et Schmitt se rencontrent dans leur rejet et leur mépris d'une bourgeoisie qui s'encroûte dans ce culte générateur du Moi». Ce rapport entre Schmitt et l'un des plus éminents représentants de la “Nouvelle Gauche”, voire de l'“Ecole de Francfort”, permet d'accréditer la thèse longtemps contestée d'Ellen Kennedy, spécialiste américaine de l'œuvre de Schmitt, qui a toujours affirmé que ce dernier a bel et bien influencé en profondeur cette fameuse “Ecole de Francfort” en dépit de ce que veulent bien avouer ses tristes légataires contemporains.

 

Avec l'avènement du national-socialisme, les positions vont se radicaliser. L'effondrement de la République de Weimar laisse un vide: Schmitt croit pouvoir instrumentaliser le nouveau régime, sans assises intellectuelles, s'en servir comme d'un Cheval de Troie pour introduire ses idées dans les hautes sphères de l'Etat. Ses anciennes accointances avec le Général von Schleicher, li­quidé lors de la “nuit des longs couteaux” en juin 1934, la nationalité serbe de son épouse Duchka Todorovitch (les services se­crets se méfiaient de tous les Serbes, accusés de fomenter des guerres depuis l'attentat de Sarajevo) et son catholicisme affiché (son “papisme” disaient les fonctionnaires du “Bureau Rosenberg”): autant de “tares” qui vont freiner son ascension et même préci­piter sa chute. Schmitt laisse des textes compromettants, qui le marqueront comme autant de stigmates, mais échoue face à ses adversaires dans les rangs du nouveau parti au pouvoir. Pire, à cause de son zèle intempestif, il traîne parfois aussi une réputa­tion de naïf ou, plus grave encore, d'opportuniste sans scrupule qui souhaite toujours et partout être le “Kronjurist”, le “juriste prin­cipal”. Plus tard, en 1972, dans un interview à la radio, Schmitt a avoué avoir agi sous l'impulsion d'un bon vieil adage français: «On s'engage et puis on voit». Paul Noack croit déceler dans cette attitude collaborante une certitude de type hégélien: Schmitt, l'homme des livres, l'homme de culture, était persuadé, est demeuré persuadé, qu'au bout du compte, l'esprit finit toujours par triompher de la médiocrité. Le national-socialisme, pour ce catholique de Prusse, pour ce catholique frotté à une idéologie d'Etat de facture hégélienne, était une de ces médiocrités propre de l'homme pécheur, de l'homme imparfait: elle devait forcément suc­comber devant la lumière divine de l'esprit. Erreur fatale et contradiction étonnante chez ce pessimiste qui n'a jamais cru en la bonté naturelle de l'homme, commente Noack (Robert Steuckers).

lundi, 01 décembre 2008

Gentile/Evola: une liaison ami/ennemi

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Gentile/Evola: une liaison ami/ennemi

 

Stefano ARCELLA

 

Evola n'a jamais émis que des jugements âpres et sévères sur Giovanni Gentile, le philosophe de l'actualisme. Pourtant, il a entretenu avec une lui une correspondance cordiale et a collaboré à l'Enciclopedia Italiana, monument culturel commandité par le régime de Mussolini et placé sous la houlette de Gentile. Nous avons découvert les preuves de cette étrange relation, occultée jusqu'ici...

 

Les rapports entre Evola et Gentile ont toujours été perçus sous l'angle conflictuel, sous l'angle des différences profondes entre les orientations philosophiques respectives des deux hommes. Evola, dans sa période spéculative (1923-27), avait élaboré une conception de l'individu absolu, représentant un dépassement décisif de la philosophie idéaliste dans ses multiples formulations, dont, notamment, l'idéalisme de Croce et l'actualisme de Gentile. Evola, en arrivant au bout de ses spéculations, approchait déjà ce point de passage vers la Tradition, comprise et perçue comme ouverture à la transcendance, et vers l'ésotérisme (en tant que voie expérimentale pour la connaissance et la réalisation du moi). Sa période spéculative à été donc une étape nécessaire dans son cheminement vers la Tradition.

 

Pourtant, dans l'histoire des rapports entre les deux penseurs, il y a un élément demeuré totalement inconnu jusqu'ici: si on en prend connaissance, on acquiert une vision plus claire, plus directe et plus complète du lien qui a uni les deux hommes, en apparence ennemis. Cet élément, c'est la correspondance entre Evola et Gentile, que l'on peut consulter désormais, grâce à la courtoisie dont fait montre la Fondazione Gentile.  Cette correspondance date des années 1927-1929, à l'époque où Evola dirigeait la revue Ur,  publication visant à mettre au point une science du Moi, et qui fut, par la suite, sous-titrée «revue des sciences ésotériques».

 

C'est à la même époque que Gentile, avec ses collaborateurs, préparait une œuvre de grande importance scientifique: l'Enciclopedia Italiana,  dont il fut le premier directeur. Le premier volume de cette œuvre gigantesque, commanditée par le régime mussolinien, est paru en 1929. Les tomes suivants paraissaient à un rythme trimestriel.

 

La lettre la plus significative, du moins sous l'angle historico-culturel, est celle qu'Evola adresse à Gentile le 2 mai 1928 (année où fut publié Imperialismo pagano).  Cette lettre est sur papier à en-tête de la revue Ur;  elle remercie vivement Gentile d'avoir donné suite à son désir de collaborer à l'Enciclopedia Italiana  —et Evola, dans la foulée, fait référence à son ami Ugo Spirito—  pour les domaines qui pourraient être de sa compétence.

 

Cette collaboration est confirmée dans une lettre du 17 mai 1929, dans laquelle Evola rappelle à Gentile que celui-ci a confié la rédaction de quelques entrées à Ugo Spirito, qui, à son tour, les lui a confiées. Dans cette lettre, Evola ne spécifie pas de quelles entrées il s'agit exactement, ce qui rend notre travail de recherche plus difficile. Actuellement, nous avons identifié avec certitude une seule entrée, relative au terme “Atanor”, signée des initiales “G.E.” (Giulio Evola).

 

Ces notes peuvent être vérifiées dans le volume Enciclopedia Italiana. Come e da chi è stata fatta, publiée sous les auspices de l'«Istituto dell'Enciclopedia Italiana» à Milan en 1947. Dans la liste des collaborateurs, Evola est mentionné (“Evola Giulio”, p. 182) et on mentionne également les initiales qu'il utilisaient pour signer les “entrées” de sa compétence (“G. Ev.”), de même que le domaine spécialisé dans lequel se sont insérées ses compétences: «l'occultisme». Ce terme désigne la spécialisation du penseur traditionaliste et non une entrée de l'Encyclopédie. De plus, les mentions, que signale ce petit volume introductif à côté de la matière traitée, indiquent le tome auquel Evola a collaboré plus spécialement: soit le tome V, publié en 1930, dont la première entrée était “Assi” et la dernière “Balso”.

 

Actuellement, on cherche à identifier précisément les notes préparées par Evola lui-même, pour ce volume. On tient compte du fait que bon nombre d'entrées ne sont pas signées et que le matériel préparatoire de l'Encyclopédie doit sans cesse être reclassé et mis en ordre, sous les auspices de l'«Archivio Storico dell'Enciclopedia Italiana», parce que ces masses de documents ont été dispersées au cours de la seconde guerre mondiale. En effet, une partie de la documentation avait été transférée à Bergamo sous la “République Sociale”.

 

Un autre élément nous permet de vérifier la participation d'Evola à cette œuvre de grande ampleur: Ugo Spirito mentionne dans un texte de 1947 le nom d'Evola parmi les rédacteurs de l'Encyclopédie dans les domaines de la philosophie, de l'économie et du droit. Des indications identiques se rencontrent dans le tome V de 1930.

 

Sur base de ses données, d'autres considérations s'imposent. Le fait qu'Evola écrive à Gentile sur du papier à en-tête d'Ur,  le 2 mai 1928, n'est pas fortuit.

 

Evola n'était pas un homme qui agissait au hasard, surtout quand il fallait se mettre en relation avec un philosophe du niveau de Gentile, figure de premier plan dans le panorama culturel italien de l'époque. Evola ne s'est donc pas présenté au théoricien de l'actualisme à titre personnel, mais comme le représentant d'un filon culturel qui trouvait sa expression en Ur,  revue dont il était le directeur. Evola tentait de la sorte d'officialiser les études et les sciences ésotériques dans le cadre de la culture dominante, au moment historique où triomphait le fascisme mussolinien. Ce dessein se devine tout de suite quand on sait que la discipline attribuée tout spécialement à Evola dans l'Encyclopédie a été l'«occultisme».

 

Gentile accepte donc la collaboration d'Evola, ce qui constitue, de fait, une reconnaissance avouée des qualifications du théoricien de l'individu absolu, ainsi qu'un indice de l'attention portée par Gentile aux thématiques traitées dans Ur,  au-delà des convictions qui opposaient les deux hommes et des différences irréductibles d'ordre philosophique qui les séparaient. La collaboration d'Evola à l'Encyclopédie dirigée par Gentile prouve que ce dernier l'acceptait parmi les scientifiques de haut rang, dont le prestige culturel était incontestable dans l'Italie de l'époque. De ces rapports épistolaires entre Evola et Gentile, nous pouvons déduire, aujourd'hui, un enseignement que nous lèguent de concert les deux philosophes: ils se montrent tous deux capables d'intégrer harmonieusement des cohérences qui leur sont étrangères, des cohérences qui contrarient leurs propres principes, ce qui atteste d'une ouverture d'esprit et d'une propension au dialogue, à la confrontation fertile et à la collaboration, même et surtout avec ceux qui expriment une forte altérité de caractère et d'idées. La cohérence est une force positive: elle n'est pas la rigidité de celui qui s'enferme dans un isolement stérile. Un fair play  qu'il convient de méditer à l'heure où d'aucuns réclament à tue-tête l'avénement d'une nouvelle inquisition.

 

Depuis cinquante ans, on assiste à une démonisation a-critique, fourvoyante et infondée de nos deux penseurs, on constate un fossé d'incompréhension, des barrières qu'heureusement on peut commencer à franchir aujourd'hui, vu les processus de transformation qui sont à l'œuvre dans le monde culturel. Il n'empêche que l'avilissement du débat culturel dans le sillage de l'anti-fascisme ou de l'esprit de parti est une réalité malheureuse de notre époque. Pour inverser la vapeur, il convient de remettre en exergue ces liens entre Evola et Gentile, entre deux philosophes appartenant à des écoles totalement différentes et opposées, afin de relancer un débat à l'échelle nationale italienne, de réexaminer les racines de notre histoire récente, de récupérer ce qui a été injustement étouffé après 1945 et gommé de nos consciences à cause d'une fièvre aigüe de damnatio memoriae.

 

En conclusion, outre la piste que nous offre la consultation des Archives Laterza pour explorer les rapports entre Croce et Evola, nous devrions aussi compulser les lettres de Croce, mais, hélas, les Archives Croce nous ont textuellement dit que «ces lettres-là ne sont pas consultables». C'est une politique diamétralement différente de celle que pratique la Fondazione Gentile, qui permet, elle, de consulter sans difficultés les lettres dont je viens de vous parler.

 

Stefano ARCELLA.

(traduction française : Robert Steuckers).

dimanche, 09 novembre 2008

Knut Hamsun de volta

Knut Hamsun de volta

ex: http://penaeespada.blogspot.com/

Knut Hamsun de volta

Knut Hamsun, galardoado com o Prémio Nobel da Literatura em 1920, volta ao panorama editorial português pela mão da Cavalo de Ferro, com a publicação de “Fome”, traduzido do norueguês por Liliete Martins, com prefácio de Paul Auster e com a coragem de afirmar no breve texto de apresentação sobre o escritor: “figura social controversa, acusado de ser simpatizante nazi aquando da ocupação do seu país, tal como L.-F. Céline será, também ele, perseguido pela justiça depois da II Guerra Mundial e os seus livros queimados na praça pública”. Sim, porque nem só os regimes considerados “malditos” hoje queimaram livros, como alguns nos querem impingir. E, já agora — porque nunca é demais dizê-lo —, para mim, queimar livros é um crime hediondo.

No prefácio à edição portuguesa de “Pan”, publicada em 1955 pela Guimarães, o tradutor da obra, César de Frias, escreve: “Não poucas críticas hão proclamado esta obra de Knut Hamsun como a culminante no seu avultado e precioso legado literário. Se hesitamos em assentir nisso é porque nos merece também, embora por diferentes atributos, franca admiração o romance Fome — que, diga-se por tangência, sofre do equívoco de muitos lhe atribuírem, antes de o lerem e tocados apenas pelo tom angustioso do título, o carácter de obra de intuitos panfletários, grito de revolta contra as desigualdades e injustiças sociais, quando é somente, mas em elevado grau de originalidade, um singular documento humano e como tal considerado único nos anais do género. Não há burguês, por mais egoísta e cioso de sua riqueza, que, ao lê-lo, perca o apetite e o sono, por se lhe afigurar que de aquelas páginas vão surdir acerbas invectivas e punhos cerrados contra o que mais estima no Mundo. A ordem pública não corre ali o risco de uma beliscadura sequer, nem erra por lá o acusador fantasma da miséria do povo, convocado por tantos outros romancistas. A tal respeito não se poderia exigir coisa mais inócua e mansarrona. Assim o juramos à fé de quem somos.
Agora o que Pan tem mais a seu favor, o que lhe requinta a sedução, é o facto de ser um livro trasbordante de claridade e de poéticas intuições. Tutela-o, inspira-o de lés a lés — e isso conduziu o autor a denominá-lo de tal jeito — essa divindade grotesca mas amável, simplória e prazenteira como nenhuma outra, da arraia miúda das velhas teogonias mas tão imortal como os deuses da alta, que, em se pondo a tanger a sua frauta, faz andar tudo num rodopio. Baila ele, bailam à sua volta as ninfas, não há nada que não baile. E assim também cada um de nós se sente irresistivelmente levado na alegre ronda, pois do seu teor se desprende uma sugestão optimista e festiva. E a despeito de lhe sombrear o desfecho a morte do herói, a cujo convívio nos habituára-mos e se entranhara na nossa afeição — morte que é nota esporádica da novelística do autor, um dos que menos “assassinaram” as suas personagens, preferindo deixá-las de pé e empenhadas em prosseguir sempre na grande aventura da Vida —, termina-se a leitura com o espírito deliciosamente impregnado de um súbtil, inefável sabor a Primavera.
Referências blogosféricas para saber mais sobre Hamsun:

In Pena e Espada, 01 de Novembro de 2008

Ecrits de guerre, mobilisation totale et "Travailleur": Jünger, penseur politique radical

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Ecrits de guerre, mobilisation totale et «Travailleur»: Jünger, penseur politique radical

 

 

Wolfgang HERRMANN

 

Toutes les idées que le nationalisme révolutionnaire a développé pendant les dix premières années qui ont suivi la Grande Guerre ont trouvé leur apex dans l'œuvre d'Ernst Jünger. Les résidus du Mouvement de Jeunesse —qui avait littéralement “fondu” au cours des hostilités—  les éternels soldats par nature, les putschistes, les révolutionnaires et les combattants du Landvolk  ont toujours trouvé en Jünger l'homme qui exposait leurs idées. Mais Ernst Jünger est allé beaucoup plus loin qu'eux tous, ce qu'atteste le contenu du Travailleur. Il n'en est pas resté à une simple interprétation des événements de la Guerre, ce qui fut son objet dans Der Kampf als inneres Erlebnis,  résumé de ces impressions de soldat. Ce mince petit volume sonde les sensations du soldat de la première guerre mondiale, en explore la structure. Et ce sondage est en même temps l'expression d'une nouvelle volonté politique, la première tentative de fonder ce “réalisme héroïque”, devenu, devant les limites de la vie, sceptique, objectif et protestant. En revenant de la guerre, Jünger a acquis une connaissance: l'empreinte que ce conflit a laissé en lui et dans l'intériorité de ses pairs, est plus mobilisatrice, plus revendicatrice et plus substantielle que le message des idéologies dominantes de son époque. Voilà pourquoi la Guerre a été le point de départ de ses écrits ultérieurs, dont Le Travailleur et La mobilisation totale.  Ces deux livres pénètrent dans une nouvelle “couche géologique” de la conscience humaine et modifient la fonction de celle-ci dans le monde moderne. Les deux livres partent du principe de la mobilisation totale, que la Guerre a imposé aux hommes. D'un point de vue sociologique, la guerre moderne est un processus de travail, de labeur, immense, gigantesque, effroyable dans ses dimensions; elle mobilise l'ensemble des réserves des peuples en guerre. Les pays se transforment en fabriques géantes qui produisent à la chaîne pour les armées. Par ailleurs, la guerre de matériel devient pour les troupes combattantes elles-mêmes une sorte de processus de travail, que les techniciens de la guerre ont la volonté de mener à bien. Le nouveau type d'homme qui est formé dans un tel contexte est celui du Travailleur-Soldat, chez qui il ne reste rien de la poésie traditionnelle du Soldat et qui ne jette plus son enthousiasme mais son assiduité dans la redoute qu'il est appelé à occuper. Jünger sait désormais que “la mobilisation totale, en tant que mesure de la pensée organisatrice, n'est qu'un reflet de cette mobilisation supérieure, que le temps accomplit en nous”. Et cette mobilisation-là est inéluctable, la volonté consciente de l'individu ne peut rien y changer. La mobilisation totale des dernières énergies prépare, même si elle est en elle-même un processus de dissolution, l'avènement d'un ordre nouveau. La figure qui forgera cet ordre nouveau est celle du Travailleur. L'image de ce Travailleur, de ce phénomène qui fait irruption dans notre XXième siècle, nous la trouvons dans l'éducation et les arts modernes; Jünger l'a conçue d'après les caractéristiques du Soldat du Front et d'après le modèle russe où le Travailleur devient le Soldat de la Révolution. Jünger ne conçoit pas la catégorie du Travailleur comme un “état” (Stand)  de la société, comme le veut la science bourgeoise, ou comme une classe, à l'instar du marxiste, mais voit dans le Travailleur un nouveau type humain en advenance, une nouvelle mentalité en gestation, qui réussira la fusion de la liberté et du pouvoir. Seul le Travailleur entretient encore une “relation illimitée avec les forces élémentaires”, qui ont pénétré dans l'espace bourgeois, en opérant leur œuvre de destruction. Conservateurs traditionnels et Chrétiens ont attaqué ce livre radical avec une véhémence affirmée. Le Travailleur  reste néanmoins un ouvrage difficile à lire: il recèle une indubitable dimension philosophique; il aborde la problématique en changeant constamment de point de vue, ce qui exige de la part du lecteur une communauté de pensée et une capacité à se remettre perpétuellement en question. (...).

 

Wolfgang HERRMANN.

(extrait de Der neue Nationalismus und seine Literatur,  San Casciano Verlag, Postfach 1306, D-65.533 Limburg; trad. franç.: Robert Steuckers).

vendredi, 31 octobre 2008

Over Arthur Mahraun en zijn Jungdo

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Over Artur Mahraun en zijn Jungdo

Gevonden op: http://www.jorisvanseveren.org

Piet Tommissen, Ukkel

Wie zijn licentiaatsverhandeling aandachtig gelezen heeft, weet dat het Luc Pauwels (°1940) er om te doen is, een “quasi volledig braakliggend terrein”1 - in casu de ideologische evolutie van het denken van Joris van Severen - in kaart te brengen. Te dien einde bestudeert hij een aantal streng geselecteerde grondbegrippen, daarbij verwijzend naar eventuele bronnen. Wat dit laatste punt betreft deelt hij de mening van professor Eric Defoort (°1943) en beschouwt Charles Maurras (1868-1952) dus niet als een, laat staan als dé leermeester van de stichter en leider van het Verdinaso.2 Hij citeert wel andere auteurs die op Van Severen invloed uitgeoefend hebben, o.m. de markies René de la Tour du Pin de la Charce (1834-1924), Georges Sorel (1847-1922)3, Georges Valois (ps. van Alfred-Georges Gressent; (1878-1945), zelfs - voor mij een complete verrassing - de Duits-Joodse anarchist Carl Landauer (1870-1919), e.a.

Tot mijn verbazing maakt Pauwels geen gewag van Artur Mahraun (1890-1950), ofschoon Van Severen hem, of juister zijn Jungdeutsche Orden (afgekort: Jungdo), tweemaal in De West-Vlaming vernoemt. De eerste keer in 1929 bij wijze van voorbeeld, de tweede keer in 1930 i.v.m. het verschil tussen de begrippen volk en natie.4 Tenzij ik me vergis heeft Arthur de Bruyne (1912-1992) in de secundaire literatuur als allereerste Mahraun vernoemd, helaas zonder nadere toelichting.5 De verdienste de kijker op deze man, zijn ideeën en zijn organisatie te hebben gericht, komt toe aan de heren Jan Creve (°1962) en Maurits Cailliau (°1938).

Eerstgenoemde meent dat “een direct aanwijsbare band tussen Mahraun en Van Severen niet bestaat”, doch voegt er onmiddellijk bij: “bepaalde passages uit Hier Dinaso! lijken soms zelfs woordelijk overgenomen uit Der Jungdeutsche.”6 De heer Cailliau stipt in een voetnoot aan dat het opus 10 Jahre Jungdeutscher Orden in de bibliotheek van Van Severens aanwezig was, “wat er op wijst dat hij Mahrauns beweging volgde.”7

Terwijl Creve niet uitsluit dat Van Severen de Jungdo leerde kennen, hetzij via de dichter Wies Moens (1898-1987), hetzij via priester Maurits Geerardijn (1896-1979), hetzij via de contacten die sinds 1926 bestonden tussen Valois en Barrès (niet Maurice [1862-1923] doch diens zoon Philippe [1896-?]) en de Jungdo.8 Zijnerzijds wijst Cailliau er op dat de Jungdo model heeft gestaan bij de oprichting door priester Robrecht de Smet (1875-1937) van de Jong Vlaamsche Gemeenschap (1928-31). omgedoopt in Jong Nederlandsche Gemeenschap (1931-35), maar rept met geen woord over Van Severen.9

Zelf heb ik in het begin van de zestiger jaren der vorige eeuw een artikel over Mahraun en zijn Jungdo gepleegd, na bij Wolfgang Lohmüller. de toenmalige voorzitter van de in december 1953 in het leven geroepen .Artur-Mahraun-Gesellschaft, mijn licht te hebben opgestoken. Waarschijnlijk was het artikel bestemd voor het door Jan Olsen (°1924) opgericht en tot het laatste nummer toe geleid maandblad Het Pennoen (1950-77). Waarom ik het finaal niet verzonden heb, is me helaas ontgaan. Het ligt ten grondslag aan het thans volgende exposé, als aanloop tot een door jongeren te onderzoeken beïnvloeding van Van Severen door Mahraun.

Mijn proeve doet dus in genen dele afbreuk aan mijn respect voor het degelijk werk van de heren Creve en Cailliau. Integendeel zelfs: het wil me voorkomen dat hun en mijn teksten zich aanvullen i.p.v. zich te overlappen. Het is me overigens opgevallen dat we alle drie wel eens andere bronnen raadplegen!10 Alvorens mijn exposé voor te leggen wens ik de heren Cailliau en Dr. Wim van der Elst nog snel te bedanken voor de vlotte ‘levering’ van enkele fotokopies, resp. een stel levensdata.

De in 1890 in Kassel als zoon van een hogere ambtenaar geboren Artur Mahraun werd in zijn jeugdjaren sterk beïnvloed door de geest van de toenmalige Jugendbewegung. Men mag gerust stellen dat zijn latere opvattingen al grotendeels vervat liggen in datgene wat hij als lid van de jeugdbeweging leerde belijden: de afkeer van de grootstad, de natuurverbondenheid, het primaat van de vriendschap, de belangstelling voor groepsverband op vrijwillige grondslag, en dies meer.

In 1908 nam Mahraun dienst in een infanterieregiment, dat nog het Pruisisch princiep “meer zijn dan schijnen” huldigde. In dat midden kreeg hij tevens inzicht in het dieper wezen van hiërarchie en tucht: die ervaring ligt wellicht aan de basis van het achteraf door hem gehuldigd autoriteitsbeginsel. Tijdens Wereldoorlog I - terloops weze aangestipt dat hij o.m. bij de strijd om Luik in de voorste gelederen streed - kwam daar nog het Kriegserlebnis bij: het vormt de derde bron van zijn toekomstig politiek denken en handelen.

Als hoog gedecoreerde luitenant werd Mahraun in 1918 in Kiel door de matrozenopstand verrast en er tot in het diepst van zijn wezen door geschokt. Hij bleef enige tijd bij de Reichswehr en zwaaide in de rang van kapitein af. In januari 1919 was hij evenwel reeds begonnen met de opbouw van een vrijwilligerseenheid, de Offiziers-Kompanie Kassel, die in zijn geboortestad plunderingen voorkwam en daarna meehielp bij de onderdrukking van de spartakistenopstand in Türingen. Deze eenheid werd evenwel bij besluit van de Rijkskanselier in 1920 ontbonden, net zoals de andere vrijwilligerseenheden (Freikorpse). Voor Mahraun de ideale gelegenheid om op 17 maart 1920 de Jungdeutsche Orden te stichten

Deze piepjonge organisatie, in de wandeling Jungdo genoemd, onderstreepte uitdrukkelijk dat ze geen Verein wenste te zijn naast de talrijke bestaande Vereine en het beklemtonen van haar ‘orde’-karakter is haar succes voorzeker ten goede gekomen: begin 1922 telde men 200 afdelingen en ruim 75.000 leden! Onder hen persoonlijkheden die reeds naam gemaakt hadden, zoals de Germanenvorser Kurt Pastenaci (1894-1961) en een paar generaals, of die het tot een zekere beroemdheid zouden brengen, zoals de staatsrechtsleraar Reinhard Höhn (1904-2000)11 en waarschijnlijk ook Albert Leo Schlageter (1894-1923).

Qua organisatie vertoonde de Jungdo gelijkenis met de middeleeuwse Ritterorden. Immers, Mahraun was de Hochmeister die met zijn commandanten (Komturen) de gewesten (Balleien) en - het laagste echelon - de plaatselijke afdelingen (Bruderschafien) en de in universiteiten geboren groepen (Hochschulgesellschaften) bestuurde. Regelmatig kwamen de leden (Brüder) in algemene ledenvergaderingen (Bruderkonvente), de leidende leden (Meister) in kapittels (Kapitel) samen. In afwijking van wat in vrijwel alle gelijkaardige organisaties niet gebeurde, werden de leden van de Jungdo wèl regelmatig en intensief geschoold (lessen gegeven tijdens politieke avondbijeenkomsten) én getraind (weersportoefeningen). Bovendien kregen ze de afkeer voor uitheemse muziek ingeënt en werd de meisjes het bubikopf-kapsel, het dragen van pullovers en trenchcoats ten zeerste afgeraden. Niet te vergeten dat in een krant, een tijdschrift en brochures de leer tot in den treure uiteengezet en/of gepropageerd werd.

Schone liedjes duren zelden lang. Dat ondervond ook de Jungdo. Kort achter mekaar werd de orde verboden en gedeeltelijk ontbonden; de eerste keer i.v.m. de mislukte Kapp-putsch12, de tweede maal na de moord op minister Walther Rathenau (1867-1920) door rechtse extremisten waaronder de auteur Ernst von Salomon (1902-1972). Doch de leiding zette de werfactie gewoon voort en richtte geheime afdelingen op. In die moeilijke periode ging Mahrauns echtgenote zelfs met de eerste bundeling van jonge vrouwen, de Schwesternschaft, van start. Het duurde tot in 1923 alvorens het Geusenhilfswerk begon te functioneren: alleen al in de maand oktober werd in Kassel aan 7.000 behoeftigen een warme maaltijd aangeboden.13

Pijnlijker was het feit dat men zich ook van katholieke zijde voor het Jungdo-verschijnsel ging interesseren. Het begon in 1924 met een venijnig geschrift van de franciscaan Erhard Schlund (1888-1953)14, weldra gevolgd door banbliksems vanuit de bisschoppelijke zetels Paderborn en Breslau. Deze reacties waren het logisch uitvloeisel van het koketteren van de Jungdo met Duits-religieuze, lees: nieuw-heidense, stromingen én met het oogluikend dulden van de invloed van de anthroposofie van Rudolf Steiner (1861-1925). Wanneer men weet dat het in Westfalen vooral priesters en jonge kapelaans waren die de Jungdo-afdelingen leidden. begrijpt men de bezorgdheid vanwege Mahraun. Die decreteerde zonder dralen het nieuw parool: “Geef het volk wat het volk en God wat God toekomt.”

Bijna gelijktijdig ontstond in de schoot van de orde gemor over Mahrauns Franzosenpolitik. Deze politiek beoogde een Duits-Franse toenadering, ja zelfs samenwerking, en dat zag menig Jungdo-lid niet zitten. Zo min trouwens als het feit dat de potasmagnaat Arnold Rechberg (1879-1947), een rabiate antibolsjewist en om die reden het initiatief van Mahraun genegen, die politiek financieel steunde.15 Wat er ook van zij, Mahraun kondigde deze tegen de in Duitsland overheersende revanchementaliteit in Leipzig ten aanhore van 35.000 leden (overwegend Saksische) aan. De kern van zijn betoog vindt men terug in een interview dat de Franse krant Le Matin op 29 augustus 1925 afdrukte: Mahraun benadrukte dat in zijn optiek de op Duitsland terugslaande bepalingen van het verdrag van Versailles dienden geschrapt en de bezette gebieden ontruimd, en dat de Duits-Poolse grens moest worden herzien.

Volgens Klaus Hornung (°1927) stond noch Mahraun noch Rechberg een kruistocht tegen de Sovjet-Unie voor ogen. Deze kenner interpreteert die Frankrijk-politiek als een poging om “een Europese politiek in de zin van een ‘derde kracht’ tussen Oost en West voor te bereiden” en op die manier het bolsjewisme op vreedzame wijze te weren. Hij onderstreept tevens dat de promotoren van die politiek geen heil zagen in de Volkenbond en evenmin in de zelfs in Frankrijk door invloedrijke politici en intellectuelen gesteunde pan-Europese gedachte van graaf Richard Coudenhove-Kalergi (1894-1972).16

Het feit dat het autoriteitsbeginsel het lager kader de mogelijkheid ontnam dergelijke beslissingen van de centrale leiding van de Jungdo te amenderen, gaf aanleiding tot de desertie van waardevolle elementen en tot sektevorming. Tot die laatste protestuiting nam de latere nazi-minister voor sportaangelegenheden Hans von Tschammer und Osten (1887-1943) zijn toevlucht. Mahrauns Frankrijk-politiek viel overigens evenmin in goede aarde bij de pangermanisten van het genre Heinrich Class (1868-1953), noch bij diens discipel Alfred Hugenberg (1865-1950), eigenaar van een krantenconcern waarin door een sterk anti-Frans ressentiment gedreven oudstrijders het goede weer maakten, noch bij de nationaal-socialisten. Uiteraard evenmin in kringen van de Reichswehr die vlijtig meewerkte aan de door het verdrag van Rapallo (16 april 1922) mogelijk geworden geheime Duits-Sovjetische militaire collaboratie.

Had de Jungdo, in weerwil van de crisis waarin hij verkeerde, toch de wind in de zeilen? Men is geneigd het te geloven wanneer men leest dat de liberale politicus Gustav Stresemann (1878-1929) in 1928 van één miljoen leden gewaagde en het Franse Deuxième Bureau er drie jaar later 500.000 telde.17 In ieder geval achtte Mahraun het ogenblik gekomen om een sinds geruime tijd in het vooruitzicht gesteld Jongduits manifest te lanceren. Dat gebeurde op 18 december 1927 met 4.000 Meister als toehoorders. Het gaat hierbij om de uitgerijpte neerslag van een denken over staat, politiek, economie enz, dat jaar in jaar uit geëvolueerd was.18 In dit manifest wordt geopteerd voor de niet parlementaire sociale volksstaat. bestaande uit zogeheten Nachbarschaften, d.i. groepen van telkens zowat 500 in dezelfde regio wonende staatsburgers, alias kiesgerechtigde mannen en vrouwen. De stamgedachte lag aan de Nachbarschaft ten grondslag: als voorbeelden golden de oud-Griekse agora en de germaanse Thingplatz. De Jungdo verwierp de dictatuur en plaatste de volksstaat boven de economie. Onder volk verstond hij geen gemeenschap van door dezelfde bloedsafstamming verbonden mensen, maar een gemeenschap van door bloedsverwantschap verbonden geslachten: geen sprake dus van ras.19 Het volk moest de staat maken; vandaar een pleidooi voor het referendum en voor onbezoldigde topfuncties: de besten moesten de staat zonder eigen belang en in het belang van het volk besturen.

De publicatie van het manifest verwekte heel wat deining. Niemand betwistte dat het aan oprechte vaderlandsliefde en idealisme ontsproten was. Velen hadden het daarentegen moeilijk met het realiteitsgehalte van de stellingen. Dat de socialisten de ondergeschiktheid van de economie in verband brachten met sterke burgerlijke invloeden is geenszins verwonderlijk. Minder evident is de mening van Alfred Weber (1868-1958): volgens deze gekende socioloog ging de staatsopbouw op nachbarschaftliche grondslag de heerschappij van de middelmatigheid en een veralgemeende vervlakking in de hand werken.20 Edgar Jung (1894-1934), de in 1934 door de nazis vermoorde secretaris en ghostwriter van de politicus Franz von Papen (1879-1969), was het met Mahraun over veel eens, doch vond de idee van de Nachbarschaft ongeschikt als basis voor politiek zelfbestuur.21

Hoe dan ook, in 1928 en 1929 leidde de drang om tot praktische verwezenlijkingen te kunnen komen in april 1929 tot de oprichting van een partijenoverkoepelende Volksnationale Reichsvereinigung waaraan ruim 600 persoonlijkheden hun steun verleenden, o.m. de pedagoog Ernst Krieck (1882-1947). Bij gebrek aan belangstelling kwam het slechts tot een alliantie tussen de Jungdo en de Deutsche Demokratische Partei. Aldus ontstond de Deutsche Staatspartei, die geen lang leven beschoren was, want de verkiezingen van 14 september 1930 vielen falikant uit (20 zetels), die van 6 november 1932 waren gewoon desastreus (nog 2 zetels). Het parlementair experiment bracht heel wat Jungdo-leden in de war en veroorzaakte een nieuwe desertiegolf.22

Het waren hoofdzakelijk hogeschoolstudenten die het verval in een nieuwe opgang ombogen. Zij grepen terug op het in 1924 door Mahraun bepleitte autarkisch princiep van de volksdienstplicht. Weldra registreerde men 300 Arbeitseinsatze, stelde financieminister Klepper 200.000 ha bodem ter beschikking en stichtte Mahraun de Jungdeutsche Siedlungs-GmbH. Er werden indrukwekkende successen geboekt23, maar in 1933 was het amen en uit.

Hitler, in Jungdo-middens Pyrrhus II of ook wel Lodewijk XIV genoemd, duidde het bestaan van de organisatie nog enige tijd. De Jungdo kantte zich tegen de Nazi-partij en Mahraun belegde in Bielefeld een Kapitel, naar hij later gezegd heeft met de bedoeling tot een gewapende weerstand tegen het Nazi-regime te komen. Dat liedje ging niet door: de Jungdo werd in juni 1933 verboden en Mahraun twee weken later aangehouden en door de Gestapo gemarteld; bij gebrek aan harde bewijzen werd hij in september 1933 op vrije voeten gesteld. Belangrijk om weten: Jungdo-leden hebben zich in de Duitse weerstand verdienstelijk gemaakt.24

Mahraun bleef in leven door boeken te schrijven (dichtbundels, romans, toneelstukken) die onder eigen naam of onder zijn schuilnaam Dietrich Kärner verschenen zijn. Toch is hij wel eens schaapsherder geweest om de twee eindjes aan mekaar te kunnen knopen. Tijdens W.O. II werd hij niet gemobiliseerd maar de ironie van het lot heeft gewild dat de Engelsen hem in 1945 andermaal interneerden. Na zijn vrijlating richtte hij de Jungdo opnieuw op (1948) en schreef diverse brochures en een boek.25 De doorstane mishandelingen en ontberingen hadden zijn dood op 59-jarige leeftijd voor gevolg; hij werd in maart 1950 in Gütersloh ten grave gedragen. Medestanders onder de leiding van Wolfgang Lohmüller zetten zijn werk voort en tot op dag van heden bestaat een afleggertje van de gewezen Jungdo onder de naam Artur-Mahraun-Gesellschqft e. V.. Maar de naoorlogse situatie valt buiten het bestek van mijn exposé.

***

Er rest me de hamvraag aan te snijden: heeft Joris van Severen invloed van Mahraun, resp. van de Jungdo ondergaan? Bij gebrek aan documentatie en rekening houdende met de mogelijkheid dat in de niet-gepubliceerde dagboeken indicaties te vinden zijn, verklaar ik me onbevoegd om die vraag te beantwoorden. Toch vallen gelijkenissen niet te loochenen, maar of ze ons berechtigen van invloed te gewagen is minder evident. De kunst bestaat er nu in de gedrukte en de ongedrukte documenten te bestuderen. Wanhopen is alleszins uit den boze.

Noten

1 L. Pauwels, De ideologische evolutie van Joris Van Severen (1894-1940). Een hermeneutische benadering, leper: Studie- en Coördinatiecentrum Joris van Severen, 1999, 272 p., ‘Jaarboek 3’; cf. p. 7.

2 L. Pauwels, op. cit. (vt 1), p. 7.

3 Cf. mijn artikel “Heeft Joris van Severen invloed van Georges Sorel ondergaan?”, deze Nieuwsbrief 9e jg., derde trimester 2005, pp. 11-15.

4 J. van Severen, (a) “Om de zege zo stevig mogelijk te consolideren en uit te baten”, De West-Vlaming (Rumbeke), 22 juni 1929, p. 1; (b) “De vooruitgang van onze zienswijze in de provincie Antwerpen. Volk en natie”, De West-Vlaming (Rumbeke), 26 april 1930, p. 2.

5 A. de Bruyne, Joris van Severen. Droom en daad, Zulte: Oranje Uitgaven, 1961, 341 p.; cf. p. 137. De auteur schrijft ‘Arthur’ i.p.v. ‘Artur’.

6 Balder (= Jan Creve), “Arthur Mahraun”, De Vrjjbuiter (Gent), 7e jg nr. 5-6, juli-aug. 1970, pp. 10-14; cf p. 10. Het moet ‘Artur’ i.p.v. ‘Arthur’ zijn. De krant Der Jungdeutsche begon op 1 juni1924 te verschijnen. Dat De Smet in contact stond met Mahraun signaleert ook Luc Vandeweyer (°1956) in de lemmata ‘Jong Vlaamsche Gemeenschap’ en ‘Jong Nederlandsche Gemeenschap, Nieuwe Encyclopedie van de Vlaamse Beweging (Tielt: Lannoo, 1998), deel II = G-Q, pp. 1578 en 1579.

7 M. Cailliau, “Artur Mahraun en de ‘Jungdeutsche Orden’”, Delta (Ekeren), 26e jg = 1990, nr. 4 pp. 4-6, nr. 6 pp. 6-8, nr. 7 pp. 5-9, nr. 8 pp. 8-10; cf. nr. 8 p. 10 vt 2. Deze auteur presenteert een bruikbare synthese van Mahrauns staatsdenken; hij baseert zich op het mij niet ter beschikking staande boekje van Helmut Kalkbrenner: Die Staatslehre Artur Mahrauns, München: Lohmüller, 1986, 64 p.

8 Balder, art. cit. (vt 6), p. Wat Geerardyn betreft, weze opgemerkt dat hij sympathiseerde met De Smet, zodat hij Van Severen inderdaad over de Jungdo kan geïnformeerd hebben.

9 M. Cailliau, art. cit. (vt 7), nr. 4 p. 4. - Zie voorts het door Romain Vanlandschoot (°1933) geschreven lemma “Smet, Robrecht de”, op. cit. (vt 6). deel 3 = R-Z. pp. 2765 -2767: cf. p. 2766: “… [Josu&eaacute;] de Decker [1879-1953] was weinig opgetogen over deze Duitse contacten, maar De Smet zette door en ontmoette in 1926 te Rotterdam een delegatie van deze Orden [sc. de Jungdo].”

10 Het is vreemd dat noch Creve noch Cailliau de in boekvorm ter beschikking staande dissertatie van de (latere hoogleraar) Klaus Hornung gebezigd hebben: Der Jungdeutsche Orden, Düsseldorf: Droste Verlag, 1958, 160 p., nr. 14 in de reeks ‘Beiträge zur Geschichte des Parlamentarismus und der politischen Parteien’. In zijn brief van 27 juni 1960 werd dit opus door Wolfgang Lohmüller geloofd. Uiteraard dient thans rekening gehouden met recenter bronnenmateriaal; cf. b.v. Cl. Wolfschlag, op. cit. (vt 25).

11 Tot mijn spijt stond een naar ik vernam belangrijk opus van Höhn niet te mijner beschikking: Artur Mahraun, der Wegweiser zur Nation. Sein politischer Weg aus seinen Reden und Aufsatzen, Rendsburg: Schieswig-Holsteinische Verlags-Anstalt, 1929, 143 p.

12 In maart 1920 pleegde de bekende marinebrigade Ehrhardt in Berlijn een staatsgreep, waardoor de hogere ambtenaar Wolfgang Kapp (1858-1922) gedurende vijf dagen (!) als rijkskanselier ambteerde. De putsch mislukte wegens een door de syndicaten gedecreteerde algemene staking.

13 KI. Hornung, op. cit. (vt 10), p. 40.

14 E. Schlund, ofm, Der Jungdeutsche Orden, München: Pfeiffer & Co., 1924, 57 p. De brochure is gebaseerd op opstellen die in de Allgemeine Rundschau verschenen waren. - Deze pater bezorgde me destijds een exemplaar van zijn boek Modernes Gottglauben. Das Suchen der Gegenwart nach Gott und Religion, Regensburg: Habbel, z.j. (= 1939), 307 p; het heeft me toen zeer geholpen.

15 (a) Over deze politiek, cf. o.m. K. Hornung, op. cit. (vt 10), pp. 42-50: “Der nationale Friede am Rhein’: Versailles und die Aussenpolitik”. - (b) Over Rechberg, cf. Eberhard von Vietsch (01912), Arnold Rechberg und das Problem der politischen Westorientierung Deutschlands nach dem ersten Weltkrieg, Koblenz: Staatsarchiv, 1958, nr. 4 in de ‘Schriftenreihe des Bundesarchivs’.

16 KI. Homung, op. cit. (vt 10), pp. 43-45.

17 Georges Castellan (°1920), L’Allemagne de Weimar 1918-1933, Parijs: Colin, 1969, 443 p., in de reeks ‘U - série: Histoire contemporaine’; cf. p. 110.

18 A. Mahraun, Das Jungdeutsche Manifest. Volk gegen Kaste und Geld. Sicherung des Friedens durch Neubau des Staates, Berlin: Jungdeutscher Verlag, 1927, 204 p.

19 Ernst Maste, Die Republik der Nachbarn. Die Nachbarschaft und der Staatsgedanke Artur Mahrauns, Giessen: Walitor-Verlag, 1957, 219 p.

20 Kl. Hornung, op. cit. (vt 10), p. 86.

21 Bernhard Jenschke, Zur Kritik der konservativ-revolutionären Ideologie in der Weimarer Republik? Weltanschauung und Politik bei Edgar Julius Jung, München: Beck, 1971, VIII-200 p., nr. 16 in de reeks ‘Münchner Sudien zur Politik’; cf. pp. 136-137. - Er zijn nog andere interessante auteurs die in hun geschriften te rade gingen bij Mahraun, doch het is hier niet de plaats om op die ‘ontleningen’ nader in te gaan.

22 Alexander Kessler, Der Jungdeutsche Orden auf dem Wege zur Deutschen Staatspartei, München: Lohmüller, 1980, 27 p., nr. 7 in de reeks Beiträge zur Geschichte des Jungdeutschen Ordens. Ook A. Mahraun, Die Deutsche Staatspartei. Eine Selbsthilfeorganisation deutschen Staatsbürgertums. Der Grundungsaufruf und das Manifest der Deutschen Staatspartei. Beantwortung gegnerischer Fragen, Berlijn: Jungdeutscher Verlag, 1930, 48 p.

23 Johann Hille, Mahraun. Der Pionier des Arbeitsdienstes, Leipzig: Kittler, 1933, 90 p.

24 Twee voorbeelden die in 1949 in Gütersloh (Nachbarschaftsverlag) verschenen en te mijner beschikking staan: Der Protest des Individuums, 47 p.; Politische Reformation. Vom Werden einer neuen deutschen Ordnung, 216 p.

25 Voorbeelden geeft Claus Wolfschlag (°1966), Hitlers rechte Gegner. Gedanken zum nationalistischen Widerstand, Engerda: Arun-Verlag. 1995. 214 p.: cf. pp. 65-74 (tekst: “Arthur [sic] Mahraun und der ‘Jungdeutsche Orden’”) en pp. 193-195 (78 vt).

 

jeudi, 30 octobre 2008

Otto Dix: un regard sur le siècle

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Otto Dix, un regard sur le siècle

 

Guillaume HIEMET

 

Le centième anniversaire de la naissance d'Otto Dix a été l'occasion pour le public allemand de découvrir la richesse de la production d'un peintre largement méconnu. Plus de 350 œuvres ont en effet été exposées jusqu'au 3 novembre 1991, dans la galerie de la ville de Stuttgart, puis, à partir du 29 novembre, à la Nationalgalerie de Berlin. Peu connu en France, classé par les critiques d'art parmi les représentants de la Nouvelle Objectivité (Neue Sachlichkeit), catalogué comme il se doit, Otto Dix a toujours bénéficié de l'indulgence de la critique pour un peintre qui avait dénoncé les horreurs de la première guerre mondiale, figure de proue de l'art nouveau dans l'entre-deux guerres, et ce, en dépit de son incapacité à suivre la mode de l'abstraction à tout crin dans l'après-guerre. Quelques tableaux servent de support à des reproductions indéfiniment répétées et à des jugements qui ont pris valeur de dogmes pour la compréhension de l'œuvre. A l'encontre de ces parti-pris, les expositions de 1991 permettent aux spectateurs de se faire une idée infiniment plus large et plus juste des thèmes que développent la production de Dix.

 

Dix est né le décembre 1891 à Untermhaus, à proximité de Gera, d'un père, ouvrier de fonderie. Un milieu modeste, ouvert cependant aux préoccupations de l'art; sa mère rédigeait des poèmes et c'est auprès de son cousin peintre Fritz Amann que se dessina sa vocation artistique. De 1909 à 1914, il étudie à l'école des Arts Décoratifs de Dresde. Ses premiers autoportraits, à l'exemple de l'Autoportrait avec oeillet  de 1913, sont clairement inspirés de la peinture allemande du seizième siècle à laquelle il vouera toujours une sincère admiration. Ces tableaux de jeunesse témoignent déjà d'un pluralisme de styles, caractérisé par la volonté d'intégrer des approches diverses, par la curiosité de l'essai qui restera une constante dans son œuvre.

 

La guerre: un nouveau départ

 

En 1914, Dix s'engageait en tant que volontaire dans l'armée. L'expérience devait, comme toute sa génération, profondément le marquer. S'il est une habitude de dépeindre Dix comme un pacifiste, son journal de guerre et sa correspondance montrent un caractère sensiblement différent. La guerre fut perçue par Dix, comme par beaucoup d'autres jeunes gens en Allemagne, comme l'offre d'un nouveau départ, d'une coupure radicale avec ce qui était ressenti comme la pesanteur de l'époque wilhelminienne, sa mesquinerie, son étroitesse, sa provincialité qu'une certaine littérature a si bien décrites. Elle annonçait la fin inévitable d'une époque. Les premiers combats, l'ampleur des destructions devaient, bien sûr, limiter l'enthousiasme des départs, mais le gigantisme des cataclysmes que réservait la guerre, n'en présentait pas moins quelque chose de fascinant. Le pacifiste Dix se rapproche par bien des aspects du Jünger des journaux de guerre. L'épreuve de la guerre pour Ernst Jünger trempe de nouveaux types d'hommes dans le monde d'orages et d'acier qu'offrent les combats dans les tranchées.

 

Avec nietzsche: “oui” aux phénomènes

 

Une philosophie nietzschéenne se dégage, “la seule et véritable philosophie” selon Dix, qui, en 1912, avait notamment élaboré un buste en platre en l'honneur du philosophe de la volonté de puissance. Des écrits de Nietzsche, Dix retient l'idée d'une affirmation totale de la vie en vertu de laquelle l'homme aurait la possibilité de se forger des expériences à sa propre mesure. Ainsi, il note: «Il faut pouvoir dire “oui” aux phénomènes humains qui existeront toujours. C'est dans les situations exceptionnelles que l'homme se montre dans toute sa grandeur, mais aussi dans toute sa soumission, son animalité». C'est cette même réflexion qui l'incite à scruter le champ de bataille, qui le pousse à observer de ses propres yeux, si importants pour le peintre, les feux des explosions, les couleurs des abris, des tranchées, le visage de la mort, les corps déchiquetés.

 

De 1915 à 1918, il tient une chronique des événements: ce sont des croquis dessinés sur des cartes postales, visibles aujourd'hui à Stuttgart, qui ramassent de façon simple et particulièrement intense l'univers du front. Le regard du sous-officier Dix a choisi de tout enregistrer, de ne jamais détourner le regard puis de tout montrer dans sa violence, sa nudité. Les notes du journal de guerre montrent crûment sa volonté de considérer froidement, insatiablement le monde autour de lui. Ainsi, en marche vers les premières lignes: «Tout à fait devant, arrivé devant, on n'avait plus peur du tout. Tout ça, ce sont des phénomènes que je voulais vivre à tout prix. Je voulais voir aussi un type tomber tout à côté de moi, et fini, la balle le touche au milieu. C'est tout ça que je voulais vivre de près. C'est ça que je voulais». Dans cette perception de la réalite, Dix souligne le jeu des forces de destruction, les peintures ne semblent plus obéir à aucune règle de composition si ce n'est les repères que forment les puissances de feu, les balles traçantes, les grenades. Tout dans la technique du dessin sert, contribue vivement à cette impression d'éclatement, les traits lourds brusquement interrompus, hachures des couleurs, parfois plaquées. Le regard est obnubilé par la perception d'ensemble, la brutalité des attaques, vision cauchemardesque qui emporte tout.

 

La dissolution de toute référence stable

 

Le réalisme de ces années 1917-1918 qui caractérise ces dessins et gouaches est dominé par cette absence d'unité, l'artiste a jeté sur la toile tel un forcené la violence de l'époque, la dissolution de toute reférence stable. L'abstraction dit assez cette incapacité de se détourner des éclairs de feu et de se rapprocher du détail. Cette peinture permettra pareillement à Dix de conjurer peu à peu les souvenirs de tranchées. Ce rôle de catharsis, cette lente maturation s'est faite dans son esprit pendant les années qui suivent la guerre. L'évolution est sensible. Ce sont en premier, le cycles des gravures intitulé la Guerre qu'il réalise en 1924 puis les grandes compositions des années 1929-1936. Les gravures presentent un nouveau visage de la guerre, Dix s'attarde à représenter le corps des blessés, les détails de leurs souffrances. Ici, le terme d'objectivité est peut-être le plus approprié, il n'est pas sans évoquer toutefois les descriptions anatomiques du poète et médecin Gottfried Benn. Le soin ici de l'extrême précision, de la netteté du rendu prend chez ces guerriers mourants, mutilés ou dans la description de la décomposition des corps une force incroyable.

 

Les souvenirs de guerre ne se laissaient pas oublier aisément, il avouait lui-même: «pendant de longues années, j'ai rêvé sans cesse que j'étais obligé de ramper pour traverser des maisons détruites, et des couloirs où je pouvais à peine avancer». Dans les grandes toiles qu'il a peintes après 1929, il semble que Dix soit venu à bout des stigmates, entaillés dans sa mémoire, que lui avaient laissées la guerre, ou tout du moins que l'unité ait pu se faire dans son esprit. La manière dont l'art offre une issue aux troubles des passions, ce rôle pacificateur, il l'évoque à plusieurs moments dans des entretiens à la fin de sa vie. Dans ces toiles grands-formats qui exposent maintenant, l'univers de la guerre, se conjuguent une extrême précision et l'entrée dans le mythe que renforce encore la référence aux peintres allemands du Moyen-Age. Dix a choisi pour la plus importante de ces oeuvres, un tryptique, La Guerre, la forme du retable. Le renvoi au retable d'Isenheim de Mathias Grünewald, étrange et impressionnant polyptique qui dans la succession de ses volets propose une ascension vers la clarté, l'aura de la Nativité et de la Résurrection, est explicite. En comparaison, le triptyque de Dix semble une tragique redite du premier volet de Grünewald, La tentation de Saint Antoine. Ici, l'univers apocalyptique de la guerre, la mêlée de corps sanglants, les dévastations de villages minés par les obus, correspondent aux visions délirantes de monstres horribles et déchainés, aux corps repoussants, aux gueules immondes mues par la bestialité de la destruction chez Grünewald.

 

des tranchées aux marges de la société

 

L'impossibilité de s'élever vers la clarté, l'éternel recommencement du cycle de destructions est accentué par l'anéantissement du pont qui ferme toute axe de fuite et le dérisoire cadavre du soldat planté sur l'arche de ce pont qui forme une courbe dont l'index tendu pointe en direction du sol. Le cycle du jour est rythmé par la marche d'une colonne dans les brouillards de l'aube, le paroxysme des combats du jour, et le calme, la torpeur du sommeil, les corps allongés dans leur abris que montre la predelle (le socle du tableau). L'effet mythique est encore accentué par la technique qu'utilise Dix pour ces toiles: la superposition de plusieurs couches de glacis transparents, technique empruntée aux primitifs allemands, qui nécessite de nombreuses esquisses et qui confère une perfection, une exactitude extraordinaire aux scènes représentées. Ainsi dans le tableau de 1936, la mort semble être de tout temps, la destinée des terres dévastées de Flandre  —“en Flandre, la mort chevauche...”, selon les paroles d'un air de 1917—,  et le combat dans son immensité parvient à une dimension cosmique.

 

Sous la République de Weimar, Dix conserve en grande partie le style éclaté des peintures de guerre. Il demeure successivement à Dresde, Düsseldorf, Berlin puis à nouveau Dresde jusqu'en 1933. Les thèmes que traite Dix se laissent difficilement résumer: le regard froid des tranchées se tourne vers la société, une société caractérisée, disons-le, par ces marges. Dix est fasciné par le mauvais goût, la laideur, les situations macabres, grotesques. L'esprit du temps n'est pas étranger à cet envoûtement pour la sordidité, et souvent ses personnages tiennent la main aux héroïnes de l'opéra d'Alban Berg Lulu:  thèmes des bas-fonds de la littérature, aquarelles illustrants les amours vénales des marins, accumulation de crimes sadiques décrits avec la plus grande exactitude. Le cynisme hésite entre le sarcasme et l'ironie la moins voilée. L'atmosphère incite aux voluptés sommaires, comme disait un écrivain français. Une des figures qui apparaît le plus souvent et qui nous semble des plus caractéristiques, est celle du mutilé. La société weimarienne ne connaît pour Dix qu'estropiés, éclopés, que des bouts d'humanité, et tout donne à penser que ce qui est valable pour le physique l'est aussi pour le mental. Ainsi les cervelets découpés et asservis aux passions les plus vulgaires et les plus automatiques.

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déshumanisation, désarticulation, pessimisme

 

Une des peintures les plus justement célèbres de Dix, la Rue de Prague  en 1920, fournit un parfait résumé des thèmes de l'époque. D'une manière particulièrement féroce, Dix place les corps désarticulés de deux infirmes à proximité des brillantes vitrines de cette rue commerçante de Dresde, dans lesquelles sont exposés les mannequins et autres bustes sans pattes. Le processus de déshumanisation est complet, les infirmes détraqués, derniers restes de l'humain trouvent leur exact répondant dans la vie des marionnettes. La composition du tableau  —huile et collage—  accentue d'autant plus la désarticulation des corps, la régression des mouvements et pensées humains à des processus mécaniques dont l'aboutissement symbolique est la prothèse. Nihilisme, pessimisme complet, dégoût et aversion affichée pour la société, il y a sans doute un peu de tout cela.

 

Bien des toiles de cette époque pourraient être interprétées comme une allégorie méchante et sarcastique de la phrase de Leibniz selon laquelle “nous sommes automates dans la plus grande partie de nos actions”. L'absence de plan fixe, de point d'appui suggère cette dégringolade vers l'inhumain. Le rapprochement de certains tableaux de cette époque  —Les invalides de guerre, 1920—  avec les caricatures de George Grosz est évident, mais celui-ci trouve bientôt ses limites, car très vite il apparaît que si la source de tout mal pour Grosz se situe dans la rivalité entre classes, pour Dix, le mal est beaucoup plus profond. La société tout entière se vend, tel est le thème du grand triptyque de 1927-1928, La grande ville, misère et concupiscence d'une part, apparence de richesse, faste et vénalité de l'autre. Rien ne rachète rien. On a souvent reproché à Dix son attirance pour la laideur, la déchéance physique et la violence avec laquelle il traite ses sujets. La volonté de provocation rentre directement en ligne de compte, mais plus profondément, ces thèmes se présentaient comme un renouvellement de la peinture. Il avouait d'ailleurs: “j'ai eu le sentiment, en voyant les tableaux peints jusque là, qu'un côté de la réalité n'était pas encore représenté, à savoir la laideur”.

 

Haut-le-cœur, immuables laideurs

 

Si l'impressionnisme a porté le réalisme jusqu'à son accomplissement ce qui n'était pas sans signifier l'épuisement de ces ressources, les tentatives des années vingt restent exemplaires. Le beau classique s'était mû en un affadissement de la réalité, la perte de la force inhérente à la peinture ne pouvait être contrecarrée d'une part, que par une abstraction de plus en plus poussée à laquelle tend toute la peinture moderne, de l'autre, par la confrontation avec un réel non encore édulcoré. Naturellement, de la façon dont Dix, animé d'une sourde révolte, tire sur les conformismes du temps, on comprend le haut-le-cœur des contemporains devant ces corps qui semblent jouir du seul privilège de leur immuable laideur. Aujourd'hui cependant, le spectateur n'est pas sans sourire à cette atmosphère encanaillée des pièces de Brecht, aux voix légèrement discordantes, le parler-peuple de l'Opéra de Quatre-sous. Il en est de même de la caricature de la société de Weimar, attaque frontale contre les vices et vertus de l'époque à laquelle procède méthodiquement Dix, époque de vieux, de nus grossiers, de mères maquerelles, de promenades dominicales pour employés de commerce.

 

La toile Les Amants inégaux  de 1925, dont il existe également une étude à l'aquarelle, condense particulièrement les obsessions chères à Dix. Un vieillard essaie péniblement d'étreindre une jeune femme aux formes imposantes qui se tient sur ses genoux. Le caractère vain du désir, l'intrusion de la mort dans les jeux de l'amour que symbolisent les longues mains décharnées du vieillard forment une danse étonnante de l'aplomb et de la lassitude, de la force charnelle et de sa disparition.

 

les révélations des autoportraits

 

Dix a tout au long de sa vie produit un grand nombre de portraits. L'exposition de Stuttgart en 1991 a montré le fabuleux coloriste qu'il fut. Il affectionne les rouges sang, le fard blanc qui donne aux visages quelque chose du masque, de tendu et de crispé, et les variations de noir et de marron que fournit la fourrure de Martha Dix dans le magnifique portrait de 1923. Selon l'aveu même du peintre, l'accentuation des traits jusqu'à la caricature ne peut que dévoiler l'âme du personnage et la résume d'une façon à peu près infaillible. Il n'est pas interdit de retourner cette remarque à Dix lui même, car il n'est pas sans se projetter dans sa peinture et tout d'abord, dans les nombreux autoportraits que nous disposons de lui. L'esprit qui anime les peintures de l'entre-deux guerres se retrouvent ici aisément: l'Autoportrait avec cigarettes de 1922, une gravure, partage la brutalité des personnages qu'il met en scène. Dix se présente les cheveux gominés, les sourcils froncés, le front décidément obtus, la machoire carrée, bref, une aimable silhouette de brute épaisse dont seul la finesse du nez trahit des instincts plus fins que viennent encore démentir la clope posée entre les lèvres serrées. Qui pourrait nier que ces autoportraits fournissent des équivalences assez exactes de la rudesse et de la brutalite de la peinture de Dix?

 

Art dégénéré ou retour du primitivisme allemand?

 

A partir de 1927, Dix fut nomme professeur à 1'Académie des Beaux-Arts de Dresde. En 1933, quelques temps après 1'arrivée au pouvoir du nouveau régime, il est licencié. Dix représentait pour le régime nazi le prototype de l'art au service de la décadence, et des œuvres tels que Tranchées, Invalides de guerre, eurent l'honneur de figurer dans l'exposition itinérante ”d'art dégenéré” organisée par la Propagande du Reich en 1937, plaçant Dix dans une situation délicate. Il est clair que Dix n'a jamais temoigné un grand intérêt pour la chose politique, refusant toute adhésion partisane avec force sarcasmes. Mais, rétrospectivement, ces jugements apparaissent d'autant plus absurdes que la manière de Dix depuis la fin des années vingt avait déjà considérablement évoluée et témoignait d'un très grand intérêt pour la technique des primitifs allemands que le régime vantait d'autre part. Situation ô combien absurde, mais qui devait grever toute la production des années trente.

 

En 1936, 1'insécurité présente en Saxe l'incite à s'installer avec sa famille sur les bords du lac de Constance dans la bourgade de Hemmenofen. A l'exil intérieur dans lequel il vit, correspond une production toute entière consacrée aux paysages et aux thèmes religieux. Tous ces tableaux montrent une maîtrise peu commune, l'utilisation des couches de glacis superposés, fidèle aux primitifs allemands du seizième, permet une extraordinaire précision et la description du moindre détail. Si Dix a pu dire qu'il avait été condamné au paysage qui, certes, ne correspondait pas au premier mouvement de son âme, on reste néanmoins émerveillé par certaines de ses compositions. Randegg sous la neige avec vol de corbeaux  de 1935: la nuit de 1'hiver enclot le village recouvert d'une épaisse couche de neige, les arbres qui se dressent dénudés évoquent les tableaux de Caspar David Friedrich, unité que seule perçoit le regard du peintre. Loin de se contenter d'un plat réalisme, cet ensemble n'a jamais rendu aussi finement la présence du peintre, léger recul et participation tout à la fois à l'univers qui l'entoure.

 

Devant les gribouilleurs et autres tâcherons copieurs de la manière ancienne aux ordres des nouveaux impératifs, et dans une période où l'humour est si absent des œuvres de Dix, celui-ci semble dire magistral: “Tas de boeufs, vous voulez du primitif, en voilà!”. Art de plus en plus contraint à mesure que passaient les années, mais au moyen duquel Dix exposait une facette majeure de sa personnalité. Dès 1944, il éprouvait le besoin d'en finir avec cette technique minutieuse, exigeante qui bridait son besoin de créativité. La dynamique formelle reprend vivement le dessus dans ses Arbres en Automne de 1945 où les couleurs explosent à nouveau triomphantes. Les peintures de la fin de sa vie renouent avec la grossièreté des traits des œuvres des années vingt.

 

Peu reconnu par la critique alors que le combat pour l'art abstrait battait son plein, Dix est resté, dans ces années, en marge des nouveaux courants artistiques auxquels il n'éprouvait aucunement le besoin d'adhérer. Les thèmes religieux, ou plutôt une imagerie de la bible qu'il essaie étrangement de concilier avec la philosophie de Nietzsche, tiennent dans cette période un rôle fondamental. Sa peinture semble parvenir à une économie de moyens qui rend très émouvantes certaines de ses toiles  —Enfant assis, Enfant de réfugiés, 1952—, la prédisposition de Dix pour les couleurs n'a jamais été aussi présente, l'Autoportrait en prisonnier de guerre  de 1947 est organisé autour des taches de couleur, plaquées sur un personnage muet, vieilli, dont les traits se sont encore creusés. Après plusieurs années de vaches maigres, les honneurs des deux Allemagnes se succédèrent  —il resta toujours attaché à Dresde où il se déplaçait régulièrement . Atteint d'une première attaque en 1967 qui le laissa amoindri, il devait néanmoins poursuivre son travail jusqu'à sa mort deux ans plus tard. Un des ces derniers autoportraits, l'Artiste en tête de mort, montre le crâne du peintre ricanant ceint de la couronne de laurier, image troublante qui rejette au loin les nullissimes querelles entre art figuratif et art abstrait.

 

Guillaume HIEMET.

 

Les citations sont tirées de : Eva KARCHNER, Otto Dix 1891-1969, Sa vie, son œuvre, Benedikt Taschen, 1989.

vendredi, 24 octobre 2008

Des Corps Francs à la révolution allemande

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Des Corps Francs à la révolution allemande

 

 

Le renouveau des idées nationales dans le monde entier semble avoir inspiré l'ancien chef charismatique d'Europe Action:  fini (provisoirement?) les excellents livres sur les armes, il faut dire aussi que son ami intime et spécialiste ès-vennerie François de GROSSOUVRE est maintenant décédé.

 

Par contre, nous avons assisté au lancement avec succès de sa luxueuse et toujours intéressante revue Enquête sur l'histoire, à la publication d'un livre autobiographique Le cœur rebelle  et de plusieurs essais historiques Gettysburg, Histoire critique de la Résistance (voir NdSE n°16) et maintenant cette Histoire d'un fascisme allemand, version remaniée et enrichie de son maître-ouvrage Baltikum paru en 1974. Ce livre d'une grande profondeur philosophique est également une synthèse de bonne facture sur la “Révolution allemande”.

 

L'action se déroule durant la République de Weimar et la situation politique, économique et sociale rappelle la situation d'aujourd'hui: culture cosmopolite et composite, corruption à tous les niveaux, crise économique grave se traduisant par notamment un chômage de masse, la présence humilante pour les citoyens allemands des années 20 des soldats français et sénégalais sur les rives du Rhin, anticipant le phénomène actuel de l'immigration ou de l'occupation américaine...

A mon sens cependant deux différences essentielles:

* Les pathologies de la civilisation étaient bien moins présentes (voir en ce moment la montée de la petite délinquence, de la consommation de psychotropes, et autres divers échappatoires de la société qui se décompose).

* L'inexistence (hormis la presse) du système médiatique qui abrutit les masses en pensant évidemment au premier d'entre eux, la télévision.

Et c'est ce qui explique que les populations ne réagissent plus, n'aient plus cette envie instinctive de se battre les armes à la main afin de pouvoir encore exister en tant qu'entité culturelle et biologique. C'est la raison pour laquelle le lecteur du livre de Venner peut parfois avoir du mal à comprendre que des milliers et des milliers de combattants des Corps Francs aient pu mourir au combat, le plus souvent contre la volonté de leur propre armée et de leurs gouvernants pour défendre leur patrie.

 

Pour l'instant ce phénomène de guerre civile semble nous être épargné dans ses épisodes les plus sanglants et nous ne pouvons que constater que le système médiatique et l'opulence matérielle annihilent la volonté des protagonistes d'en découdre manu militari, le combat se déroulant à “fleurets mouchetés”, de bons nerfs étants plus utiles que le courage physique. De toutes manières, dans de telles époques, l'individu actif conserve son autonomie et son pouvoir pour accroître le désordre, agir dans le sens de la destruction, mais ce pouvoir lui est refusé pour bâtir.

 

Les écrits de ce temps reflètent cette violence et tout cela le Jünger de la période nationale-révolutionnaire l'avait bien compris: Dominique Venner nous rapporte une de ses citations qui le rapproche de l'esprit d'un soldat politique: «L'ordre est l'ennemi commun... La destruction est le seul programme qui remplisse les exigences nationalistes». Le célèbre chef de Corps Francs, Roßbach lui-même, en termes encore plus crus, ne disait pas autre chose: «Rassembler des hommes pour en faire des soldats, se quereller, boire, rugir et casser des fenêtres, détuire et mettre en pièces ce qui doit être détruit. Etre sans scrupules et inexorablement dur. L'abcès doit faire couler beaucoup de sang rouge. Et il faut le laisser couler un bon moment, jusqu'à ce que le corps soit purifié». Et c'est vrai qu'un certain nombre de responsables de la République de Weimar finissent leur vie éxécutés par des groupes armés: Gareis, Rathenau, Erzberger, etc...

 

A la lecture de ce livre, aussi minutieux que vivant, nous comprenons d'une manière très complète l'état d'esprit des Corps Francs: le guerrier de la première guerre mondiale laisse la place à une sorte de lansquenet des temps modernes, influencé par l'image toujours présente des Wandervögel; rarement ils haïssent les communistes et ne les méprisent jamais. En revanche, leur dégoût pour les bourgeois, les politiciens, les intellectuels et les Juifs (Zeitgeist  oblige...) est certain. Ils savent aussi faire preuve d'une grande adaptabilité dans leur comportement. Pour ne citer qu'un seul exemple, certains Corps Francs, lorsque leur existence légale est menacée, se transforment alors en communauté de travail agricole, sorte de phalanstères guerrières mais aussi réponse au penchant germanique pour la colonisation militaire.

 

L'auteur situe la fin de la Révolution des Corps Francs le jour du putsch de Munich, le 9 novembre 1923. Après le temps de ces lansquenets viendra le temps des politiques. En effet, Adolf Hitler veut utiliser la légalité pour arriver au pouvoir. Beaucoup de Corps Francs vont le lui reprocher: ils se perdront irrévocablement dans ce combat politique.

 

Ainsi Venner aime ces périodes troubles et agités qui permettent à des chefs de bande de donner la pleine mesure de leur capacité. Clin d'oeil de l'histoire: comme les Corps Francs se sont levés après l'humiliation du traité de Versailles, la France, après avoir cédé l'Algérie, verra une bande de jeunes gens se dresser face à la décadence: son chef en était Dominique Venner, la bande c'était Europe-Action. Beaucoup d'entre eux continuent une carrière brillante non seulement au sein du mouvement national mais aussi ailleurs. Venner a été d'une certaine manière leur guide spirituel comme Ernst Jünger celui des anciens des Corps Francs. Venner entretient depuis quelque temps une correspondance avec celui, centenaire aujourd'hui, qui a été la conscience politique et philosophique de la “Révolution Conservatrice”.

 

Et aussi comme Jünger l'avait fait à partir de 1929, Venner, dans les années 70, s'est retiré de tout militantisme politique pour se consacrer à son œuvre. Mais le bon grain avait été semé. Il est vrai également que tous les deux éprouvaient le besoin de faire une pause dans ce parcours commencé si tôt par un engagement dans la légion dès l'âge de 15 ans. Etrange parallèle de ces deux destins à un demi siècle de distance.

 

Sans doute, est-ce la raison pour laquelle Venner a rajouté deux très beaux chapitres sur la Révolution Conservatrice, sorte d'espace métapolitique allemand des années 20, et une analyse très fine de l'œuvre de Jünger, hommage de l'élève à son maître.

 

Pascal GARNIER.

 

Dominique VENNER, Histoire d'un fascisme allemand. Les Corps Francs du Baltikum et la Révolution Conservatrice, Pygmalion/Gérard Watelet, Paris,1996, 380 p., 139 FF.

 

dimanche, 14 septembre 2008

Il volto ambiguo della Rivoluzione Conservatrice tedesca

Il volto ambiguo della Rivoluzione Conservatrice tedesca

Autore: Luca Leonello Rimbotti

La Rivoluzione Conservatrice - fenomeno essenzialmente tedesco, ma non solo - era un bacino di idee, un laboratorio, in cui vennero ad infusione tutti quegli ideali che da una parte rifiutavano il progressismo illuministico dell’Occidente, mentre dall’altra propugnavano il dinamismo di una rivoluzione in grande stile: ma nel senso di un re-volvere, di un ritornare alla tradizione nazionale, all’ordine dei valori naturali, all’eroismo, alla comunità di popolo, all’idea che la vita è tragica ma anche magnifica lotta.

Detlev J.K. Peukert, La Repubblica di Weimar Tra il 1918 e il 1932, questi ideali ebbero decine di sostenitori di alto spessore intellettuale, lungo un ventaglio di variazioni ideologiche molto ampio: dalla piccola minoranza di quanti vedevano nel bolscevismo l’alba di una nuova concezione comunitaria, alla grande maggioranza di coloro che invece si battevano per l’estrema affermazione del destino europeo nell’era della tecnica di massa, mantenendo intatte, anzi rilanciandole in modo rivoluzionario, le qualità tradizionali legate alle origini del popolo: identità, storia, stirpe, terra-patria, cultura. Tra questi ultimi, di gran lunga i più importanti, figuravano personaggi del calibro di Jünger, Schmitt, Moeller van den Bruck, Heidegger, Spengler, Thomas Mann, Sombart, Benn, Scheler, Klages, e molti altri. In quella caotica Sodoma che era la Repubblica di Weimar - dove la crisi del Reich fu letta come la crisi dell’intero Occidente liberale - tutti questi ingegni avevano un denominatore comune: impegnare la lotta per opporsi al disfacimento della civiltà europea, restaurando l’ordine tradizionale su basi moderne, attraverso la rivoluzione. Malauguratamente, nessuno di loro fu mai un politico. E pochi ebbero anche solo cultura politica. Quest’assenza di sensiblerie fu il motivo per cui, al momento giusto, spesso la storia non venne riconosciuta. E, tra i più famosi, solo alcuni capirono che il destino non sempre può avere il volto da noi immaginato nel silenzio dei nostri studi, ma che alle volte appare all’improvviso, parlando il linguaggio semplice e brutale degli eventi.

I proscritti Scrivevano di una Germania da restaurare nella sua potenza, favoleggiavano di un tipo d’uomo eroico e coraggioso, metallico, che avrebbe dominato il nichilismo dell’epoca moderna; descrivevano la civilizzazione occidentale come il più grande dei mali, il progresso come un dèmone, il capitalismo come una lebbra di usurai, l’egualitarismo e il comunismo come incubi primitivi … e riandavano alle radici del germanesimo, alle fonti dell’identità. Armato di Nietzsche e di antichi miti dionisiaci, c’era persino chi riaccendeva i fuochi di quelle notti primordiali in cui era nato l’uomo europeo… Eppure, quando tutto questo prese vita sotto le loro finestre, quando i miti e le invocazioni assunsero la forma di uomini, di un partito, di una volontà politica, di una voce, quando “l’uomo d’acciaio” descritto nei libri bussava alla loro porta nelle forme stilizzate della politica, molti sguardi si distolsero, molte orecchie cominciarono a non sentirci più… La vecchia sindrome del sognatore, che non vuol essere disturbato neppure dal proprio sogno che si anima… La Rivoluzione Conservatrice tedesca espresse spesso la tragica cecità di molti suoi epigoni dinanzi al prender forma di non poche delle loro costruzioni teoriche.

Giuseppe A. Balistreri, Filosofia della Konservative Revolution: Arthur Moeller van den Bruck Non vollero riconoscere il suono di una campana, i cui rintocchi uscivano in gran parte dai loro stessi libri. Allora, improvvisamente, tutto diventò troppo “demagogico”, troppo “plebeo”. L’intellettuale volle lasciare la militanza, la lotta vera, a quanti accettarono di sporcarsi le mani con i fatti. Alcune derive del Nazionalsocialismo si possono anche storicamente ascrivere alla renitenza di intellettuali e ideologhi, che non parteciparono alla “lotta per i valori” e che, dopo aver lungamente predicato, nel momento dell’azione si appartarono in un piccolo mondo fatto di romanzi e divagazioni. Mentalità da club: “esilio interno” o piuttosto diserzione davanti ai propri stessi ideali? Eppure, un certo spazio critico dovette esistere, poi, anche tra le maglie del regime totalitario, se gli storici riportano di serrate lotte ideologiche intestine durante il Terzo Reich, di polemiche, di divergenze di vedute: Rosenberg non la pensava certo come Klages; Heidegger e Krieck erano avversari politici attestati su sponde lontane… Prendiamo Jünger. Ancora nel 1932, aveva parlato del Dominio, della Gerarchia delle Forme, della Sapienza degli Avi, del Guerriero, del Realismo Eroico, della Forza Primigenia, del Soldato Politico, della “Massa che vede riaffermata la propria esistenza dal Singolo dotato di Grandezza”… Ricordiamo di passata che Jünger negli anni venti collaborò, oltre che con le più note testate del nazionalismo radicale, anche col Völkischer Beobachter, il quotidiano nazionalsocialista e che nel 1923 inviò a Hitler una copia del suo libro Tempeste d’acciaio, con tanto di dedica… Alla luce dei fatti, è forse giunto il momento di considerare quelle proclamazioni solo come buoni esercizi letterari? Nell’infuriare della lotta vera per il Dominio che si ingaggiò di lì a poco, durante gli anni decisivi della Seconda guerra mondiale, noi troviamo Jünger non già nella trincea dove era stato da giovane, ma ai tavoli dei caffè parigini. Qui lo vediamo intento ad irridere Hitler nel segreto del proprio diario, sulle cui paginette si dilettava a chiamarlo col nomignolo di Knièbolo: un po’ poco. Tutto questo fu “fronda” esoterica o immiserimento del talento ideologico? Storico esempio di altèra dissidenza aristocratica o patetico esaurimento di un antico coraggio di militanza?

Oswald Spengler, Il tramonto dell'Occidente E uno Spengler? Anch’egli, dopo aver vaticinato il riarmo del germanesimo e della civiltà bianca, non appena questi postulati ebbero il contorno di un partito politico, che pareva proprio prenderli sul serio, oppose uno sdegnoso distacco. E Gottfried Benn? Dopo aver cantato i destini dell’”uomo superiore che tragicamente combatte”, dopo aver celebrato la “buona razza” dell’uomo tedesco che ha “il sentimento della terra nativa”, come vide che tutto questo diventava uno Stato, una legge, una politica, lasciò cadere la penna…

Ma la Rivoluzione Conservatrice, per la verità, non fu solo questo. Fu anche il socialismo di Moeller, l’antieconomicismo di Sombart, l’idea nazionale e popolare di Heidegger, il filosofo-contadino vicino alle SA. In effetti, la gran parte degli affiliati ai diversi schieramenti rivoluzionario-conservatori confluì nella NSDAP, contribuendo non poco a solidificarne il pensiero politico e, in alcuni casi, diventandone uomini di punta: da Baeumler a Krieck. Secondo Ernst Nolte - il maggiore storico tedesco - la Rivoluzione Conservatrice ebbe l’occasione di essere più una rivoluzione che non una conservazione, soltanto perché si incrociò con la via politica nazionalsocialista: un partito di massa, una moderna propaganda, un capo carismatico in grado di puntare al potere. Tutte cose che ai teorici mancavano. “Non fu il nazionalsocialismo - si è chiesto Nolte -, in quanto negazione della Rivoluzione francese e di quella bolscevico-comunista, una contro-Rivoluzione tanto rivoluzionaria, quanto la Rivoluzione conservatrice non potrà mai essere?”.

Dopo tutto, come ha affermato il più esperto studioso di questi argomenti, Armin Mohler, “il nazionalsocialismo resta pur sempre un tentativo di realizzazione politica delle premesse culturali presenti nella Rivoluzione conservatrice”. Il tentativo postumo di sganciare la RC dalla NSDAP è obiettivamente antistorico: provate a sommare i temi ideologici dei vari movimenti nazional-popolari dell’epoca weimariana, ed avrete l’ideologia nazionalsocialista.

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Tratto da Linea del 25 luglio 2004.


Luca Leonello Rimbotti

lundi, 25 août 2008

Emigration blanche, fascismes russes, stalinisme

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Emigration blanche, fascisme, stalinisme: approches nouvelles après la chute du communisme

Le généalogie des droites russes chez Walter Laqueur

par Robert STEUCKERS

L'impact des fascismes ouest-européens et du national-socialisme allemand a été important dans les cercles d'émigrés blancs pendant l'entre-deux-guerres. Le fascisme séduisait parce qu'il promettait des solutions rapides aux problèmes de l'époque, alors que les parlements, qui soumettaient tout à d'interminables discussions, étaient accusés de laisser «pourrir les situations». Ce culte de la «décision rapide», très présent dans les débats allemands de l'époque et dans les discours tonitruants de Mussolini, débordait les cercles restreints des fascistes russes purs et durs et séduisait des conservateurs, dont Struve, et des modérés, dont Timachev.

Pour propager ce double culte de l'autorité et de la vitesse de décision, plusieurs groupes ont vu le jour dans les années 20. Ils étaient surtout constitués de jeunes gens enthousiastes. Le plus petit de ces groupes était le «Mouvement des Jeunes Russes» (Mladorossitsy),  dirigé par Alexandre Kassem Bek, issu d'une famille aristocratique d'origine persane, russifiée au cours du XIXième siècle. Emigré à Paris, Kassem Bek prend dès l'âge de 21 ans la tête d'un groupe d'étudiants blancs, réclamant l'avènement d'une monarchie totalitaire de type nouveau. Reprenant à leur compte tous les éléments du decorum fasciste, ainsi que la discipline qui caractérisait cette mouvance, les adeptes de Kassem Bek estimaient, nous explique Laqueur, que l'ancien régime ne pouvait plus être restauré, car il avait été rongé de l'intérieur par la décadence, le «bourgeoisisme» et le «philistinisme». L'effondrement de ce régime sous les coups des Bolcheviks était donc une punition largement méritée. L'apocalypse de 1917 et l'horreur de la guerre civile auraient donc eu des vertus purgatives, selon les partisans de Kassem Bek. Propos qui n'ont guère choqué les conservateurs comme Struve (qui ouvre aux «Jeunes Russes» les colonnes de sa revue) ni Cyrille, le prétendant au trône des Romanovs. Deux grands-princes adhèrent au mouvement.

Au culte de Mussolini et de Hitler, s'ajoute, curieusement, le culte de Staline. Ce dernier, affirmaient Kassem Bek et ses «Jeunes Russes», avait mis un terme à l'anarchie révolutionnaire, avait rétabli l'autorité de l'exécutif (concentrée entre ses mains) et donné congé à l'internationalisme. Kassem Bek plaidait dès lors pour une symbiose entre l'ordre ancien et l'ordre nouveau, pour une monarchie incarnée par le Grand-Prince Cyrille mais reposant sur les nouvelles institutions soviétiques: bref, pour une monarchie bolchévique!

Après une tentative de collaboration avec les nationaux-socialistes allemands, qui téléguidaient le ROND (un parti nazi russe établi à Berlin), le rapprochement tourna court: les Allemands reprochant aux Russes d'être des «nationaux-bolchévistes» et non d'authentiques «nationaux-socialistes». Xénophobes (mais pas officiellement antisémites; en pratique, pourtant, ils l'étaient), les «Jeunes Russes» reprenaient aux Eurasiens l'idée que la mission réelle de la Russie est en Asie, et que Moscou doit constituer un glacis pour la race blanche contre le «péril jaune». Mais Kassem Bek se méfiait des projets concoctés par les Allemands en Europe orientale: en 1939, il demande aux «Jeunes Russes» de soutenir la cause des alliés occidentaux et quitte l'Europe pour les Etats-Unis. En 1956, il revient à Moscou, y devient le secrétaire du Patriarche et meurt en 1977. Il aurait été un agent soviétique tout au long de sa carrière. Laqueur souligne (pp. 111-112) que les Soviétiques ont recruté bon nombre d'agents dans tous les milieux politiques de l'exil russe, y compris chez les Mencheviks, mais que seuls les Blancs fascisants ont été autorisés à rentrer au pays.

Parmi les idéologues autoritaires, monarchistes-bolcheviks, une figure sort du lot: celle d'Ivan Loukianovitch Solonévitch (1891-1953). Il a commencé sa carrière dans la presse radicale de droite avant la Révolution. Il quitte l'URSS en 1934, en franchissant clandestinement la frontière finlandaise, puis publie le récit de cette évasion, qui devient un best-seller international. Solonévitch devient alors journaliste dans la presse émigrée libérale et modérée. Puis, brusquement, il opère un virage à droite, qui le rapproche des cénacles conspiratifs animés par d'anciens lieutenants et capitaines de l'armée du Tsar. Il termine sa vie en Argentine. Son ouvrage politique majeur, Narodnaïa Monarkhiia  («La Monarchie Populaire»), a été réédité à Moscou en 1991, et inspire quelques néo-monarchistes.

Les partis fascistes russes ont connu une brève existence en Allemagne, en Mandchourie et aux Etats-Unis dans les années 30. Le groupe le plus significatif était celui de Mandchourie. Il naît dans la faculté de droit de l'université locale, parmi les jeunes Blancs réfugiés là-bas. Le général tsariste Kosmine les soutient. Ils se regroupent d'abord dans l'«Organisation Fasciste Russe» (OFR), puis dans le «Parti Fasciste Russe» (PFR), et éditent deux revues: Nache Poute  («Notre Voie») et Natsia  («Nation»). De 1931 à 1945, année où l'armée rouge pénètre dans Kharbine, capitale de la Mandchourie, ce fut la figure de Konstantin Rodzayevski qui mèna le parti. Enthousiaste, fougueux mais naïf, il adopte fébrilement les colifichets à croix gammées des nationaux-socialistes allemands, donnant à sa formation des allures quelque peu carnavalesques. De plus, il dépend financièrement du bon vouloir des Japonais. Il espère une victoire de l'Axe Berlin-Tokyo, dont les armées, espère-t-il en dépit de son nationalisme russe, occuperont l'Union Soviétique et placeront à la tête de la nouvelle Russie dé-bolchévisée un «gouvernement national», dirigé évidemment par lui!

Concurrent de Rodzayevski en Mandchourie: l'Ataman Semionov, militaire conservateur, nullement attiré par les imitations du folklore nazi, parie sur la solidarité des Cosaques réfugiés en Extrême-Orient. En 1945, Rodzayevski et Semionov sont tous deux condamnés à mort dans un procès commun, assez expéditif. Et l'activiste du PFR introduit alors une demande pour rentrer au service de Staline, considéré comme «leader fasciste russe», et propose de réactiver ses réseaux pour en faire une «cinquième colonne» au bénéfice de la politique de Moscou. Sa demande n'a pas été retenue.

Aux Etats-Unis, un certain Anastase Vozniyatski fonde une «Organisation Fasciste Panrusse» (OFPR) en 1933, à Windham County dans le Connecticut, avec l'argent de son épouse, une millionaire américaine du nom de Marion Stephens, née Buckingham Ream dans une famille de négociants en bétail et en céréales. Malgré son argent, Vozniyatski n'a pas réussi en politique. La chronique de son mouvement ne révèle rien d'original ni d'extraordinaire.

Pendant les vingt premières années d'exil des Blancs et des anti-bolchéviques de toutes opinions, le mouvement qui, incontestablement, a connu le plus de succès, fut le NTS (in extenso: «Fédération Nationale du Travail de la Nouvelle Génération»). Ce mouvement d'inspiration solidariste et chrétienne-orthodoxe a tenu son premier congrès en 1930 et élu son président, W. M. Baïdalakov, un Cosaque du Don. Objectif: poursuivre le combat pour l'«idée blanche» sous une autre forme, adaptée aux plus jeunes générations. Le NTS travaillait très sérieusement, contrairement aux «Jeunes Russes» et aux groupuscules fascistes de Mandchourie. A peu près tous les deux ans, l'organisation tenait un congrès où l'on décidait des nouvelles orientations et où l'on fixait un nouveau programme. Son idéologie sociale était le solidarisme, un solidarisme qui se distinguait toutefois du solidarisme préconisé par les écoles politiques catholiques d'Europe occidentale. Ce solidarisme reposait sur une triade: idéalisme, nationalisme, activisme. L'idéalisme soulignait l'importance des idées pures et des valeurs, formes permanentes et indépassables dans le monde effervescent de la politique. Le nationalisme indiquait que ces valeurs s'inscrivaient toujours dans un contexte et que ce contexte était la nation, en l'occurrence la nation russe. L'activisme correspondait à la volonté de réaliser l'adéquation de la théorie et de la pratique, un peu comme dans le marxisme.

Ce solidarisme était bel et bien une idéologie conservatrice, dans le sens où l'harmonie entre les classes qu'il prônait le conduisait à rejeter l'«individualisme libéral excessif» et à imposer des limites à la liberté individuelle; le solidarisme du NTS refusait également la démocratie pluripartite. Les industries-clefs devaient demeurer sous la houlette de l'Etat. Le NTS reprenait à son compte une idée centrale dans l'héritage slavophile, l'idée de Sobornost,  telle que l'avait théorisée Khomiakov.

Le NTS ne s'est jamais aligné idéologiquement sur les fascismes européens ou sur le nazisme, car sa dimension religieuse le rapprochait davantage du corporatisme catholique autrichien ou du salazarisme portugais, idéologies éloignées du modernisme industrialiste fasciste-italien ou national-socialiste allemand. Quelques éléments toutefois ont collaboré en Allemagne avec les autorités nationales-socialistes, même si le NTS était interdit et ses adhérants emprisonnés. Cette coopération a eu lieu dans les territoires occupés par l'armée allemande et dans le mouvement du général Vlassov. L'organe de presse de ces militants pro-allemands du NTS était le Novoïé Slovo.

Après la guerre, le NTS adopte une idéologie de «troisième force», cherchant à dépasser le marxisme et le capitalisme. Les puissances occidentales ont passé l'éponge sur la collaboration des quelques éléments du NTS (Redlich, Poremski, Tenserov, Vergoune, et Kazantsev) et les Américains, logique de la guerre froide oblige, ont soutenu le mouvement et financé sa propagande à l'intérieur du territoire soviétique. Cette double collaboration avec les ennemis de la Russie, l'Allemagne d'abord, les Etats-Unis ensuite, n'ont pas donné bonne presse au NTS, en dépit de la pureté de ses idéaux, bien ancrés dans la tradition et le mental du peuple russe. Le citoyen soviétique moyen s'en désintéressait.

Selon Laqueur, le principal idéologue du NTS fut le Professeur Ivan Ilyine (1881-1954), qui enseignait la philosophie à l'Université de Moscou avant la Révolution. Cet excellent connaisseur de la pensée de Hegel est expulsé d'URSS en 1922, en même temps que Berdiaev. Il publiait ses écrits dans la revue Russkii Kolokol,  proche du NTS sans en épouser toutes les thèses: en effet, Ilyine était monarchiste tandis que les militants du NTS ne se prononçaient pas sur cette question et envisageaient l'éventualité d'une République russe non soviétique. Ilyine se faisait l'avocat d'une «démocratie organique», qui n'aurait plus été ni formelle ni mécanique à la façon occidentale. Dans son livre Pout'k otchevidnosti  (= La Voie vers l'évidence), Ilyine définit la «vraie politique» comme un «service», comme le contraire diamétral de la politique envisagée comme «carrière». La notion de service implique de servir les intérêts du peuple tout entier et non d'une catégorie sociale ou d'un réseau d'intérêts. Cette volonté de servir une entité collective de vastes dimensions fait de la politique un «art de la volonté», d'une volonté qui sait d'instinct choisir et promouvoir, dans le flot ininterrompu des faits et des événements, ce qui est bon pour le peuple dans son ensemble, pour l'avenir de l'entité nationale. Or cette volonté doit pouvoir se lover dans le moule d'un idéal et ne pas oublier les vertus du cœur, qui donnent impulsion et sagesse aux potentialités créatives de l'homme politique (pour une approche des idées d'Ilyine, cf. Helmut Dahm, Grundzüge russischen Denkens. Persönlichkeiten und Zeugnisse des 19. und 20. Jahrhunderts,  Johannes Berchmans Verlag, München, 1979).

Laqueur, ensuite, passe à une analyse des sources du néo-nationalisme russe contemporain. Ce «parti russe» est né des œuvres des néo-slavophiles et des «écrivains du terroir». Pionniers à l'ère stalinienne de ce style ruraliste, Vladimir Ovetchkine et Yefim Doroche ont préparé le terrain d'une nouvelle école littéraire populiste et nationaliste. Dans les années 60 et 70, les écrivains de Russie septentrionale et de Sibérie, comme Fiodor Abramov, Vassili Choukchine (Kalina Krasnaïa, Le beau bosquet de boules de neige) et Valentin Raspoutine (Adieu à Matiora).  Cette littérature est loin d'être idyllique, souligne Laqueur. Les conditions de vie dans les villages du Nord et de la Sibérie sont terribles et les villageois décrits par Abramov se haïssent mutuellement, ne forment plus une communauté soudée et solidaire. Belov, pour sa part, est moins pessimiste: ses personnages vivent dans un monde beau et pur, à l'ombre des clochers en bulle, bercé par la musique douce et gaie des cloches des églises, où se côtoient des mystiques et des idiots qui atteignent la sainteté. Soloükhine se déclare disciple du Norvégien Knut Hamsun, qui, lui aussi, a décrit des personnages ruraux non pervertis par la civilisation moderne. Astafiev et Raspoutine évoquent les descendants des pionniers, dispersés dans les immensités sibériennes. Dans les petites villes, les habitants n'ont plus de référants moraux: ils pillent un dépôt en flammes, n'ont plus de racines et plus aucun sens du devoir. Ils ne songent qu'à s'enrichir et saccagent l'environnement naturel. Cette dépravation est le fruit du pouvoir communiste, écrivait Soloükhine, sans pour autant encourir les foudres du régime; au contraire: il a été lauréat du Prix Lénine! La tonalité générale de cette littérature ruraliste est un scepticisme à l'égard du progrès mécanique, matériel et économique, à l'égard des productions intellectuelles des grandes villes, à l'égard de la culture de masse contemporaine, importée de l'Ouest.

Dans le grand public, ce sont des revues littéraires conservatrices, mais fidèles en paroles au régime, qui se sont fait le relais de ce ruralisme, de ce culte de l'enracinement et de ce refus du déracinement: Nache Sovremenik  et Molodaïa Gvardiya. Novii Mir, pour sa part, défendait les thèses progressistes classiques de l'idéologie marxiste. Cet engouement pour le passé intact de la Russie a conduit à une redécouverte de l'héritage slavophile du 19ième siècle, dès la fin des années 70, où Chalmaïev, Lobanov et Kochinov en arrivent à la conclusion que la Russie est devenue un pays décérébré et américanisé, qui perd sa «dimension intérieure», ses racines, en dépit de sa puissance militaire. La Russie est une «coquille vide».

Ce mélange de ruralisme, de slavophilie rénovée, de culte de l'enracinement et d'anti-américanisme, conduit à une critique plus fondamentale de l'idéologie marxiste dominante. Les nationalistes, en effet, évoquent la thèse du «flux unique» de l'histoire russe, thèse qui est en contradiction totale avec le léninisme. En effet, d'après Lénine et ses disciples, l'histoire russe se subdivise en deux courants, un courant progressiste (Pierre le Grand partiellement, Herzen, Tchernitchevski et Gorki) et un courant obscurantiste composé de réactionnaires, de fanatiques religieux et d'exploiteurs du peuple. A ce dualisme officiel, les ruralistes opposent, sans nier la validité du courant progressiste, une réhabilitation des forces politiques et spirituelles qui ont consolidé la Russie au cours des siècles passés, sans être marquées par la philosophie progressiste, moderniste et occidentaliste. L'histoire russe, dans cette optique slavophile et nationale, draine dans un fleuve unique une masse d'éléments positifs, tantôt frappés du sceau du progressisme, tantôt frappés de celui de l'enracinement ou de la tradition, soit de l'immuable.

Le Parti ne pouvait pas accepter cette vision sans risque. Car cela aurait impliqué une revalorisation du rôle de la monarchie et de l'église dans l'histoire russe. Et cela aurait également signifié que, lors de la guerre civile, les Rouges comme les Blancs avaient eu des raisons, avaient eu les uns et les autres partiellement ou entièrement raison. Si Nicolas II et Lénine avaient eu tous deux raison, la révolution aurait pu être considérée comme inutile et l'idéal aurait sans doute été un régime à mi-chemin entre le bolchevisme et la monarchie, sans doute une monarchie populaire comme l'envisageait Ivan Solonévitch. Mais lentement la thèse du «flux unique» a fait son chemin, s'est imposée et structure métaphysiquement la convergence que l'on observe actuellement entre nationalistes et anciens communistes. Hors du «flux unique» ne se trouvent désormais plus que les libéraux qui restent fidèles aux thèses «progressistes», tout en avalisant l'inflation terrible qui secoue la vie russe depuis la libéralisation des prix de janvier 1992, voulue par Gaïdar et son équipe. Aval qui leur fait perdre toute légitimité populaire.

Déjà pendant les dernières années du règne de Brejnev, la maison d'édition Roman Gazetta, qui publiait des livres de poche bon marché, n'éditait plus que des auteurs populistes, slavophiles ou nationalistes, précise Laqueur (p. 135). Signe de leur victoire: quand Alexander Yakovlev, chef du département idéologique du comité central, prononça en 1972 un discours contre l'«anti-historicisme» des russophiles et critiqua leur culte de la religion orthodoxe, tout en défendant les «démocrates» révolutionnaires du XIXième siècle, il fut promu ambassadeur d'URSS au Canada et y resta de nombreuses années. Eviction déguisée, bien évidemment. Cet incident marqua la victoire des revues Nache Sovremenik  et Molodaïa Gvardiya. Novii Mir, dont les collaborateurs «libéraux» et «progressistes» avaient été écartés dès les années 70, tenta de reprendre son combat en faveur du «courant progressiste». Sans succès. Elle fut réduite au silence pendant 20 ans et ne reparut que dans le sillage de la perestroïka.  

Au départ de sa carrière d'écrivain persécuté, Alexandre Soljénitsyne se situait plutôt dans le camp libéral. Il en sortira petit à petit pour esquisser les grandes lignes d'un «conservatisme» populiste et slavophile particulier, en marge du conservatisme plus musclé des nationalistes et des paléo-communistes actuels. Au départ, ce sont les libéraux, notamment les rédacteurs de Novii Mir, qui se sont engagés à défendre l'écrivain Soljénitsyne, alors que conservateurs et nationalistes critiquaient ses positions. Mais Soljénitsyne jugeait les libéraux trop mous dans leur défense des dissidents. Son glissement vers un conservatisme populiste et slavophile s'est amorcé dès sa lettre ouverte aux dirigeants soviétiques, où, depuis son exil zurichois, il critiquait cette intelligentsia libérale qui croyait que sa tâche première était de «dépasser la folie nationale et messianique des Russes». Entreprise impossible, selon Soljénitsyne, car elle aurait réduit la russéité à rien. Dans cette lettre, il exhortait les dirigeants soviétiques à abandonner le marxisme-léninisme, une idéologie qui ne cessait de provoquer des conflits avec l'étranger, affaiblissait la Russie de l'intérieur et instaurait un système du «mensonge permanent». Ensuite, il demandait l'abrogation du service militaire obligatoire, ce qui hérissait les nationalistes. Sa pensée, au fond, était une synthèse entre le libéralisme national et populaire et le nationalisme dur: le régime qui conviendrait à la Russie serait à la fois éclairé et autoritaire, et s'appuyerait sur les Soviets, car introduire une démocratie à l'occidentale sans transition en Russie conduirait à la catastrophe.

Cette synthèse, malgré ses relents d'anti-militarisme, ou, au moins, son hostilité à la conscription générale, finit tout de même par plaire davantage aux nationalistes qu'aux libéraux. Sakharov trouvait le nationalisme de Soljénitsyne «exagéré», voire quelque peu «xénophobe» et déplorait que l'auteur de l'Archipel Goulag n'entonnât pas un plaidoyer a-critique en faveur de la démocratie à l'occidentale. Le nouveau clivage séparait désormais ceux qui prétendaient que les idées occidentales (dont le marxisme) pervertissaient l'âme russe et ceux qui affirmaient que c'était les défauts de la mentalité russe qui précipitaient la Russie dans le malheur.

La «Nouvelle Droite» russe, ou plutôt les «nouvelles droites» russes, puisent leurs idées dans des synthèses plus modernes ou chez des auteurs plus actuels et seul Soljénitsyne conserve une influence réelle dans le débat. Son influence est évidement plus nette auprès des nationaux-libéraux et des conservateurs tranquilles qu'auprès des nationaux-bolchéviques plus militants et plus activistes. Les Russes d'aujourd'hui tentent également de découvrir des auteurs occidentaux auxquels ils n'avaient pas accès au temps de la censure. La révolution conservatrice allemande et la ND franco-italienne, de même que les synthèses nationales-révolutionnaires de tous acabits, influencent les conservateurs musclés et les nationaux-bolchéviques, tandis que les travaux de Max Weber, José Ortega y Gasset, etc. intéressent les nationaux-libéraux. L'engouement pour Nietzsche est général et cela va des réceptions caricaturales aux analyses les plus fines. Dans ce bouillonnement, un penseur original: Lev Goumilev, décédé en juin 1992, considéré comme une sorte de «Spengler russe»; il a élaboré une théorie de l'«ethnogénèse» des peuples, en expliquant que ceux-ci font irruption sur la scène de l'histoire, animés par une passionarnost, une «passion», un instinct, une pulsion. Cette passionarnost  s'épuise petit à petit, forçant les peuples vidés de leurs pulsions créatives, à quitter l'avant-scène de l'histoire, puis à sombrer dans l'insignifiance. Goumilev était «eurasiste» et essuyait les critiques de ceux qui revendiquaient une russéité européenne.

Les nouvelles synthèses russes se forgeront dans la lutte, dans cette opposition à l'occidentalisation brutale dont ils sont les victimes. Imaginatifs et prenant les idées beaucoup plus au sérieux que les Occidentaux, les concepts mobilisateurs de demain seront à coup sûr originaux. Et provoqueront l'étonnement de ceux qui veulent tout mesurer à l'aune des statistiques et des chiffres, des bilans et des profits. Et aussi l'étonnement de ceux qui croient, sur les rives de la Seine, les neurones assaillis par les gaz d'autos, avoir trouvé la formule politique définitive et indépassable dans cette panade ultra-mixée, suggérée par certains journaux (un peu comme si vous mélangiez des fraises écrasées dans l'huile de vos sardines, avec une cuiller de chocolat chaud et du müesli, le tout arrosé de Curaçao bleu, avec un zeste de pamplemousse, le tout saupoudré d'ail).

Robert STEUCKERS.

Walter LAQUEUR, Der Schoß ist fruchtbar noch. Der militante Nationalismus der russischen Rechten, Kindler, München, 1993, 416 S., DM 42, ISBN 3-463-40212-2.